Egeablog - Mot-clé - Défense - Commentaires2023-06-28T12:43:19+02:00Olivier Kempfurn:md5:fc9dfa5de5fd9856c4c7bdd45e8ff3c1DotclearUne armée sans défense aujourd'hui, pour une défense sans armée demain ? (G2S) - yves cadiouurn:md5:34f2e649f9d618c856beafb794f7799e2014-05-04T09:54:46+02:002014-05-05T20:00:12+02:00yves cadiou<p>Commençons par une évidence : les officiers supérieurs en retraite (dont les G2S font partie, grosso modo) présentent tous la caractéristique de n'avoir jamais été civils.<br />
De ce fait ils n'ont pas conscience d'avoir passé leur vie dans un ghetto statutaire qui les coupe totalement du monde politique auquel ils tentent de s'adresser. Que l'on m'excuse de parler ci-après à la première personne, c'est indispensable pour la démonstration.</p>
Chaque année je participe à la réunion de ma promo de Saint-Cyr. C'est une réunion purement amicale. “Purement” est l'adverbe exact : elle est exempte d'arrière-pensées, on y parle librement. Ainsi j'ai découvert qu'à la fin de ma deuxième carrière dans la fonction publique territoriale (FPT) j'étais mieux payé qu'aucun militaire de ma promo, qui comportait pourtant un CEMAT, un GMP et un DGGN.<br /><p>
Certes, au seul regard de l'échelon de rémunération j'étais moins payé. Mais si l'on y ajoutait les primes et les avantages en nature (qui n'apparaissent jamais en totalité sur les documents utilisés pour faire des comparaisons officielles), la différence était à mon avantage. Mes multiples primes et fonctions annexes ajoutaient 75% à ma paie de base ; en plus de ces primes j'utilisais en toute légalité mon véhicule de fonction pour mon usage personnel et familial, y compris pour emmener ma famille en vacances à l'étranger (carburant payé en bons d'essence fournis par l'administration); ayant droit à un logement de fonction, j'étais logé gratuitement dans une maison de location que j'avais choisie (j'ai découvert trop tard que certains de mes collègues, de façon parfaitement légale, étaient propriétaires du logement qu'ils occupaient et touchaient ainsi en plus le loyer versé par la collectivité pour les loger). Ces pratiques sont coutumières et normales dans la FPT : ni le contrôle de légalité effectué par les préfectures, ni la Cour des Comptes n'y objectent jamais ; les services fiscaux sont clairement informés lors des déclarations de revenus, il n'y a pas de dissimulation mais seulement de la discrétion.</p>
Tout ceci pour dire que les élus locaux quand ils deviennent ministres, habitués d'être entourés par des hauts fonctionnaires de la FPT, sont stupéfaits de découvrir la frugalité des officiers supérieurs et généraux. Stupéfaits de découvrir des gens qui se contentent de primes aussi rares que minimes et surtout de ce fameux “quart de place” qui ne permet même pas d'emmener gratuitement la famille à Marbella.<br /><p>
Dans un monde où le principe est “dis-moi combien tu gagnes, je te dirai qui tu es à mes yeux”, le militaire est par conséquent quelqu'un qui n'a aucun prestige et que l'on n'écoute pas.<br />
Alors du fond de leur ghetto statutaire les G2S peuvent scander en chœur et en cadence “des sous pour la Défense ! Des sous pour la Défense !” personne ne les écoute. Bien sûr le Chardon nous dit que “ça suscite l'agacement de certains” mais cet agacement n'est qu'une feinte pour donner l'impression qu'on a un peu entendu.</p>
Cependant ma conclusion est optimiste : nous sommes à la fin d'une époque. La multiplication des carrières courtes et les liens forts qui subsistent entre Cyrards civils et militaires (quitter l'armée n'est pas se désintéresser de l'armée ni oublier ses camarades) va susciter, et suscite déjà, une prise de conscience chez les militaires. Ceux-ci, qui ont en maintes occasions démontré leur capacité d'évolution, vont évoluer, comprendre enfin le fonctionnement de la société politique qui les tient soigneusement à l'écart, et s'y imposer. Pour ma part j'ai compris trop tard et désormais je ne peux que m'employer à faire comprendre afin que la pression des militaires sur les décideurs politiques soit enfin efficace dans l'intérêt du Pays. Afin que les officiers supérieurs en retraite cessent de croire qu'ils font leur devoir en se contentant de donner des coups d'épée dans l'eau.