Egeablog - Mot-clé - Etats-Unis2023-06-28T12:43:19+02:00Olivier Kempfurn:md5:fc9dfa5de5fd9856c4c7bdd45e8ff3c1DotclearSept jours avant la nuit (G.-P. Goldstein)urn:md5:dc5f333345e8493a1933ed1bbfd777102020-08-08T21:32:00+01:002020-08-08T21:32:00+01:00Olivier KempfFiche de lectureArabieBombe nucléaireEtats-UnisInderomanSéoudite <p style="margin-bottom: 6pt; text-align: justify;">Les bons romans de géopolitiques sont rarissimes. Celui-ci en est un, à l’évidence, qui prend la suite d’un déjà remarqué <i>Babel minute zéro</i>.</p>
<p style="margin-bottom: 6pt; text-align: justify;"><img alt="http://www.gallimard.fr/var/storage/images/product/865/product_9782072840937_195x320.jpg" src="http://www.gallimard.fr/var/storage/images/product/865/product_9782072840937_195x320.jpg" /></p>
<p style="margin-bottom: 6pt; text-align: justify;">Julia O Brien, agente de la CIA, est libérée des geôles russes pour être immédiatement replongée dans une aventure extrême : Un groupe d’extrémistes hindous a réussi à fabriquer des bombes nucléaires et après un premier attentat, annonce en avoir placé une ou plusieurs autres. Le roman n’est pas la simple course au temps, d’usage dans ce genre d’ouvrages, car il témoigne de vraies connaissances des situations géopolitiques locales (en Inde ou en Arabie Séoudite) mais aussi des véritables interrogations liées à la prise de décision d’un homme d’Etat face à la crise.</p>
<p style="margin-bottom: 6pt; text-align: justify;">En cela, il ne s’agit pas seulement de tourner les pages compulsivement (c’est un très bon roman), mais aussi d’en profiter pour comprendre et s’interroger.</p>
<p style="margin-bottom: 6pt;"><span style="font-size:9.0pt">Sept jours avant la nuit, <span style="line-height:115%">G.-P. Goldstein, Folio Gallimard, 2017. <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-policier/Sept-jours-avant-la-Nuit">ici</a>.</span></span></p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2020/08/08/Sept-jours-avant-la-nuit-%28G.-P.-Goldstein%29#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2288La crise accélérateur de l'histoireurn:md5:7c92d3b849c90b5dc54f69be373a58572020-04-08T10:00:00+01:002020-04-08T10:00:00+01:00Olivier KempfPlanétisationChineCovid 19CriseEtats-UnisEurope<p>La crise est un accélérateur de l'histoire : en fait, elle ne sera probablement pas un point tournant (signifiant une réorientation des choses, d'un point de vue géopolitique du moins) mais un point d'inflexion. Reste alors à discerner quelles sont les tendances géopolitiques qui vont être accélérées.</p>
<p><img src="https://groupe-ecomedia.com/wp-content/uploads/2020/03/Coronavirus-covid-19-epidemie-savoie-haute-savoie-4.jpg" alt="" /> <a href="https://groupe-ecomedia.com/coronavirus-annulations-en-cascade/">source</a></p>
<p>J'en vois plusieurs que je teste avec vous :</p> <p>- la poursuite de la relativité américaine ou plus exactement : de la sortie de la centralité américaine. L'Amérique restera évidemment une grande puissance, mais de plus en plus relative et donc, reléguée au milieu de ses deux océans. Je ne mentionne pas ici l'hypothèse d'un éclatement américain, qui demeure possible .</p>
<p>- je ne suis pas convaincu de la poursuite de la montée chinoise. Le régime était déjà dans de grandes difficultés, car son modèle économique arrivait à bout de souffle. La crise accélère cette contradiction interne, d'autant qu'à l'extérieur, on va assister à un nouveau regard. De même que les Européens ont découvert l'Amérique de Trump avec un nouveau regard, de même nous allons regarder la Chine de Xi avec un nouveau regard, celui d'une puissance dont nous sommes trop dépendants et qui surtout nous a beaucoup menti.</p>
<p>- sans revenir à la notion de multipolaire, les circonstances permettent un champ des possibles plus ouvert pour l'Europe, pourvu que les Européens cessent de se considérer comme à la traîne, ici des Américains, là des Européens. En fait, il nous faut nous sortir de notre repentance collective, de notre regret d'avoir dominé le monde, de nos complexes. Vous aurez compris que quand je parle de l'Europe, je ne parle pas de l'UE. Cela signifie que les conditions sont possibles pour une nouvelle relation avec la Russie à l'Est et l'Afrique au sud.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2020/04/08/La-crsie-acc%C3%A9l%C3%A9rteur-de-l-histoire#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2283Le bouleversement de Trump (ou Trump et la profondeur)urn:md5:8f570c5ad6b8969ad609064e44bef5742019-08-08T17:03:00+01:002019-08-08T17:03:00+01:00Olivier KempfEtats-UnisAllemagneCHineCrise de 2008Etats-UnisMondialisationTrump<p><em>Pour les cinq ans d'Echoradar, nous nous sommes fixés comme thème estival de choisir un événement géopolitique marquant de la dernière demi-décennie. Sans hésiter, j'ai choisi Trump car Trump est plus profond qu'il y paraît</em>.</p>
<p>Quel a été le plus important événement géopolitique de ces cinq dernières années ? Une telle question suggère qu’on a le recul suffisant pour apprécier la portée des événements. Or, il arrive que des événements passent inaperçus sur le moment et ne révèlent leur importance que dans la longue durée, surtout en matière géopolitique. Cette discipline privilégie en effet souvent une approche du temps long qui lui permet de déceler les grands mouvements tectoniques. De même, le qualificatif d’important pose difficulté : de quelle échelle s’agit-il ? pour qui est-ce important ? Par exemple, une vision française diffèrera d’une vision européenne, chinoise ou mondiale… Malgré toutes ces objections de méthode, risquons-nous.</p>
<p><img src="https://d.newsweek.com/en/full/623887/trump.jpg?w=737&f=2dca03a7089a4dc6b4d19ec7a40497a3" alt="" /></p>
<p>Source</p> <p>Car au fond, l’élection de Donald Trump en 2016 constitue bien un événement qui affecte tous les points de vue. De plus, il s’inscrit dans une histoire plus longue que les seules trois dernières années, car il vient concrétiser des tendances initiées par G W Bush (sur les relations transatlantiques) et B. Obama (sur le pivotement asiatique). Surtout, il affecte la première puissance globale, ayant des intérêts et des influences dans toutes les parties de la terre. Elle fut la seule depuis la fin de la Guerre froide même si on observe depuis une décennie la montée en puissance de la Chine. Mais la faillite de Lehman Brothers en 2008 ou la maîtrise du pouvoir chinois par Xi Jin Ping depuis 2013, qui pourraient constituer d’autres événements mondiaux, sont advenus avant la période considérée. Enfin, l’accession de Trump au pouvoir constitue autant la concrétisation d’une tendance préalable que l’établissement d’un nouveau cours géopolitique. C’est un tremblement de terre en ce qu’il est la résultante de pressions antérieures, tout comme il produit un nouvel état des choses profondément différent de ce qui existait avant et auquel on ne pourra pas revenir.</p>
<p><strong>La fin de la mondialisation heureuse</strong></p>
<p>Alain Minc, le gourou influent des puissants et des pouvoirs, quelle que soit leur couleur politique (signe peut-être de leur caractère incolore), avait inventé la notion de Mondialisation heureuse, dans un livre de 1997 (ici). Il poursuivait en cela les annonces de Fukuyama (La Fin de l’histoire) et du précurseur Robert Reich (L’économie mondialisée, 1991), avant le livre de Thomas Friedmann qui en 2006 annonçait : La terre est plate. Tous ces prophètes de bonheur écrivaient avant le crash de 2008 qui a constitué une profonde rupture : elle fut politique mais surtout, elle marqua le moment où l’on commença à douter de la mondialisation. Il y avait bien eu des débats auparavant mais ils opposaient de vieux gauchistes dénonçant un système capitaliste forcément critiquable et de jeunes réalistes qui, non contents de s’enrichir, se satisfaisaient de faire sortir la planète de la pauvreté : réunir richesse et confort moral, voici une situation inconnue quand on était libéral. Jusque-là, on avait le cynisme un peu gêné. Avec la mondialisation, tout allait pour le mieux.</p>
<p>Bien sûr, il y avait eu cet accident du référendum de 2005 où une majorité de Français (et de Néerlandais) avaient refusé la Constitution européenne. Ce fut vu à l’époque plus comme l’effet d’un retard (le fameux retard français, si ataviquement dénoncé par les esprits forts) que comme le signal faible de ce qui allait advenir. Au fond, le signal était trop fort pour être un signal.</p>
<p>Patatras ! La faillite de Lehman-Brothers lança une série de mauvaises nouvelles : crise financière, puis crise de l’euro, puis crise de l’Europe (mais il paraît que celle-ci est toujours en crise et que la crise l’aide à grandir et que donc ce n’est pas grave). Il reste que depuis 2008, beaucoup doutent des promesses de prospérité pour tous assurées par l’UE. Celle-ci reste soutenue dans l’opinion mais plus comme une défense que comme une ambition. On est passé du projet au repli. L’UE nous mettait dans le train de la mondialisation, la crise de cette dernière rétroagit sur le primat géoéconomique qui présidait à la construction européenne.</p>
<p>2008 fut aussi l’année du grand retournement en Chine. Plus exactement, ce fut le moment où le gouvernement chinois s’aperçut qu’il ne pouvait plus faire confiance à l’Occident : d’une part à cause de cette crise qu’il dut combler, pour sa part, avec un surcroît d’endettement (chose qu’on a oubliée) ; mais aussi à cause des nombreuses critiques qu’il reçut, alors qu’il organisait les JO de Pékin, à propos du Tibet libre (ce qu’explique très bien E. de La Maisonneuve, dans son dernier ouvrage Les défis chinois, qu’il faut impérativement lire si on veut comprendre stratégiquement quelque chose à la Chine contemporaine). Désormais, Pékin va réfléchir à une nouvelle manière d’ordonner le monde, plus conforme à ses intérêts et à sa vision et distincte de la « mondialisation », représentation géopolitique construite et véhiculée par l’Occident.</p>
<p>2008 fut enfin l’année de l’élection de B. Obama. Souvenez-vous, il fut vécu à la fois comme une rupture (le premier président noir) mais aussi comme un retour aux fondamentaux américains. On ne vit pas qu’il mit en œuvre résolument le « pivotement » (traduction exacte du pivot américain), c’est-à-dire la bascule de priorité géopolitique des Etats-Unis de l’Atlantique vers le Pacifique. Il le fit de façon polie et mesurée, rassurant ainsi les atlantistes européens, mais le mouvement était pris.</p>
<p>Ces trois constats indiquent que le retournement du monde avait commencé dès 2008. C’est pourquoi Trump n’est pas aussi nouveau ni surprenant qu’on l’a dit (on relira ici avec attention l’écho du bocal accordé sur le sujet par J. Ghez, un des meilleurs spécialistes français des Etats-Unis), même si son élection marque un tournant très important, rendant visible ce qui était présent mais latent.</p>
<p><strong>Les options radicales de Trump</strong></p>
<p>Provoquons : Trump est bien plus profond qu’on ne le croit.</p>
<p>Profond ne signifie pas ici qu’il est évolué, subtil, élaboré, cultivé, construit… Ces caractéristiques étaient celles de son prédécesseur et en cela, Trump diffère profondément de l’élégant 44ème POTUS. Mais avec sa brutalité, ses éruptions tweetesques, son manque de maîtrise de soi et tout simplement d’éducation, Trump manifeste quelque chose de beaucoup plus profond : il est en effet doté d’une intuition impressionnante, qualité qu’on n’enseigne pas à la faculté et que les analystes politiques peinent à reconnaître pour telle. Et pourtant, Trump est dotée d’une intuition très profonde qui explique d’ailleurs son succès électoral, mais aussi que malgré le bruit furieux dont sa présidence est environnée, elle ne se déroule pas si mal, permettant à « The Donald » d’avoir des chances sérieuses d’être réélu (à tout le moins, sa défaite est bien loin d’être assurée quand on observe le désastre idéologique qui prévaut dans le camp démocrate).</p>
<p>L’intuition, peut-être bien loin de la raison, mais vraie motivation pour l’action. Souvent, on ne voit que les voiles du bateau pour comprendre sa manœuvre. On oublie la quille alors que le profilage de celle-ci décide d’énormément de choses. L’intuition, c’est la quille des hommes d’Etat. Et elle est souvent omise dans le diagnostic politique et géopolitique.</p>
<p>Et sa première intuition est « globale », au sens à la fois anglais et français. Car il s’agit du rapport au monde et à la mondialisation (la globalization anglo-saxonne) : Trump dit d’abord que l’actuel mode de gouvernance de la planète ne convient plus aux Etats-Unis. La surprise est totale chez beaucoup, tant nous étions persuadés que la mondialisation se faisait justement au profit des Etats-Unis : c’est ainsi en tout cas que nous l’avions comprise, lorsqu’elle se mit en place après la guerre froide. Sauf que c’était vrai au début mais que peu à peu, d’autres en avaient tiré profit et notamment la Chine et l’Allemagne. Nous ne répéterons pas ici à quel point il y a à nouveau un problème allemand en Europe (voir La Vigie n° 115, ici). Force est de constater que l’Allemagne a su tirer profit de la mondialisation et imposer un déséquilibre majeur en Europe. Quant à la Chine, lancée dans un gigantesque rattrapage lancé par le maître Deng en 1979, plus personne ne doute qu’elle est une actrice majeure de cette mondialisation qu’on croyait américaine : si elle fut initiée au début par les États-Unis, à leur grande surprise d’autres en tirent de plus grands bénéfices.</p>
<p>Trump a donc délaissé les mantras qui nous ont bercé : celui de l’échange ricardien profitable à toutes les parties avec spécialisation dans le facteur de production le plus adéquat (ce dont les meilleurs économistes doutent désormais), ou encore celui du fameux gagnant-gagnant, où toutes les parties prennent avantage à un gâteau qui croît. Trump écoute son instinct, son intuition, dans une logique malthusienne : les gains sont limités et celui qui gagne quelque chose le fait aux dépens de l’autre. Cette utilisation maximale par d’autres des nouvelles règles du jeu (règles de l’échange) motive les récriminations de l’Américain à l’encontre des tricheurs (car pour lui, il y a logiquement une triche dans l’utilisation des règles à son profit).</p>
<p>Cette perception globale de la mondialisation entraîne les nouveaux rapports qu’il va introduire avec « les autres ». Ce sera donc deux rapports de force (la seule méthode qu’il connaît) avec d’un côté les Chinois, de l’autre les Européens. Ceux-ci se voient même accusés d’être des « ennemis », le mot révélant l’attitude psychologique de D. Trump.</p>
<p>Ce faisant, il bouscule un ordre du monde auquel nous étions habitués. Il introduit très précocement un rapport de force avec Pékin qui ne s’y attendait pas si tôt et demeure embarrassé : voici donc le président Xi obligé de faire un discours en faveur du libéralisme à Davos, louangé pour l’occasion par les nombreux partisans de l’ordre ancien (qui ignorèrent allégrement l’absence de libéralisme politique au sein de l’empire du milieu). Quant à Angela Merkel, elle connaît avec Trump une nouvelle déstabilisation qui vient marquer une fin de règne pour le moins difficile.</p>
<p>La remise en cause de la mondialisation pousse à celle du multilatéralisme. Bien sûr, tout le monde se lamentait hypocritement sur l’inefficacité de l’ONU dont chacun constatait la réforme impossible mais tout le monde s’en contentait. Trump passe outre et met bas les accords bilatéraux, TPP trans pacifique ou JCPOA iranien (et plus récemment, Traité Forces Nucléaires Intermédiaires). Même l’ALENA a été remis en cause au grand dam des voisins mexicains et canadiens.</p>
<p>De ce point de vue, les théâtres russes ou moyen-orientaux sont secondaires. Voyant chez Poutine un homme de force (le modèle le séduit) il n’hésite pas cependant (alors qu’il est accusé par ses adversaires démocrates d’en être l’otage) d’accroître les sanctions ou de sortir du FNI (probablement pour retrouver des moyens sur le théâtre chinois, il faut le noter). Quant au Moyen-Orient, il vise d’abord un formidable accord commercial avec le royaume séoudien, quitte à épouser les fantasmes anti-perses de ce dernier. Pour le reste, il n’hésite pas aux coups, notamment sur la question nord-coréenne même s’il se fait probablement duper par Kim.</p>
<p>Nous voici sortis du multilatéralisme : La politique trumpienne a installé un nouveau régime dual et même duel : il ne s’agit pourtant pas d’un nouveau régime bipolaire, comme du temps de la guerre froide. En effet, l’affrontement entre les Etats-Unis n’entraîne pas un alignement des puissances derrière les deux chefs de file. Certes, Pékin a lancé son initiative Ceinture et route (depuis 2013) mais la Russie ou l’Inde conservent leur quant-à-soi. Quant à l’Europe, elle se trouve particulièrement gênée devant la nouvelle configuration du monde. Il y a donc un bipôle relatif qui n’aligne pas même s’il structure.</p>
<p>On avait cru que le multilatéralisme, expression politique de la mondialisation économique, constituait la solution à la sortie de la guerre froide et de l’affrontement bipolaire. Force est de reconnaître que les deux sont en crise et que nous faisons désormais face à un système désordonné même si un affrontement principal entre deux géants constitue le fait marquant.</p>
<p>Trump est donc un formidable dynamiteur. Il est certes une conséquence (et on n‘insistera jamais assez sur la continuité qu’il a avec Obama, aussi bien sur la négligence envers l’Europe que sur la priorité donnée à la question chinoise) : il est aussi un détonateur et on ne reviendra jamais au statu quo ante.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2019/08/08/Le-bouleversement-de-Trump-%28ou-Trump-et-la-profondeur%29#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2261A propos du soft powerurn:md5:a0c905ee0ee8cc368797d36bc5c7fa5f2018-08-20T08:42:00+01:002018-08-20T09:42:14+01:00Olivier KempfMaitrise stratégique de l'informationEtats-UnisHard powerJoseph NyeMondialisationPuissanceSmart power<p>Au cours des 30 dernières années, le concept de <em>soft power</em> (Puissance douce) a connu une vogue incroyable, tant il permettait d'expliquer tout un tas de choses mais aussi tant il s'accordait à une posture de puissance bien particulière, celle des Etats-Unis. Constatons que la vogue eut surtout lieu au cours des années 1990. Joseph Nye tenta bien de faire évoluer son concept avec l'idée de <em>Smart power</em>, sans que la chose soit réellement convaincante. De même l'avons-nous vu venir sur le terrain du Cyber, sans que là non plus cela n'apporte un vrai éclairage différent. Au fond, plusieurs dynamiques sont à l’œuvre pour relativiser l'effectivité du <em>soft power</em> : les attentats du 11 septembre avec la mise au premier plan, brutalement, de la question "terroriste" (en fait, djihadiste) ; la crise économique de 2008 liée d'ailleurs avec une remise en cause de la mondialisation (émergence, puis Trump) ; enfin, une montée en puissance des grands acteurs du cyber (GAFA, BATX) et donc l'explosion de l'activité sur la couche sémantique (cf. Mon bouquin Gagner le cyberconflit).</p>
<p><img src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/14/Smart_Power_Book_Stack.jpg" alt="" /> <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/14/Smart_Power_Book_Stack.jpg">source</a></p> <p>Or, j'ai lu (je ne retrouve plus la source, ce devait être dans un numéro de la RDN) une idée de Louis Gautier qui affirmait que le SP n'est possible que pour quelques rares États qui ont de grosses capacités techniques et économiques. Pour la plupart des autres, seul le <em>hard power</em> paraît à portée de main.</p>
<p>J'ajouterais pour ma part qu'il n'y a pas de <em>soft power</em> sans <em>hard power</em>, sans compter l'épuisement du <em>soft power</em> tel que nous l'entendions (celui d'influence des normes et des valeurs, au moyen de la culture, du cinéma, des grands médias d’influence, du système universitaire, de la langue...). La crise ukrainienne ou l'action russe en Syrie ou l'opération Serval montrent que l'utilisation habile de la force est toujours un moyen efficace pour atteindre des objectifs tangibles.</p>
<p>La popularité du SP fut aussi due à son adhérence à la vision d'un monde interdépendant, transnational, postmoderne.... Un monde pacifié où d'autres moyens permettraient de réduire les conflits. Autrement dit, une vision irénique qui permettait de s'abstenir de la vieille puissance militaire, si grossière et, désormais, si maladroite. En effet, Irak et Afghanistan semblaient montrer l'inefficacité de l'outil militaire. Mais Tchétchénie, actions israéliennes, opérations françaises en Côte d'Ivoire ou au Mali, interventions russes en Géorgie puis en Crimée ont montré une rémanence du vieil <em>hard power</em>, tandis que l'image des États-Unis semble durablement contestée comme l'illustrent les nombreux sondages du Pew center (dès avant l'arrivée de D. Trump). Quant à l'Europe, archétype de la puissance douce, son inefficacité en Ukraine comme en Afrique et le taux d'abstention aux dernières élections européennes illustrent à quel point cette douceur est finalement peu convaincante, surtout quand les grands tenants du <em>hard power</em>, États-Unis et Europe s'abritent derrière des murs toujours plus haut.</p>
<p>Est ce à dire pourtant qu'il a disparu? Non, simplement qu'il n'a plus son caractère de théorie centrale et qu'il faut probablement l'adapter. Pas simplement dans le <em>smart power</em> vaguement adopté par Mme Clinton. Mais en redécouvrant la notion d'influence et de politique culturelle. Surtout en étant plus cohérent entre des principes affirmés et leur mise en œuvre aléatoire et casuistique.</p>
<p>O. Kempf</p>
<p>Pour Maulny dans le dernier RDN, les Etats-Unis ont tout perdu mais ils ont finalement gagné grâce à leur soft power, ou plus exactement leur domination des outil de cybercommunication (google, FB, twitter).</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2014/06/07/A-propos-du-soft-power#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/1915Les failles du CloudActurn:md5:ddc86af12bd41e8c1e8f7e6ed35de1fe2018-05-23T22:29:00+01:002018-05-23T22:29:00+01:00Olivier KempfCYber et économieAmériqueCloudCloudactEtats-UnisEuropeextraterritorialitéFranceNuageOVHSouveraineté numérique<p>En décembre 2017, Amazon AWS annonçait l’ouverture - promise de longue date - de sa “région de Paris” s’appuyant sur 3 centres de données. En Mars 2018, Microsoft suivait, ouvrant deux nouvelles régions Azure en France, à Paris et à Marseille. Leur objectif, au delà des besoins techniques de latence et de haute-disponibilité (assurés pour la très grande majorité de leurs clients par leurs régions européennes), était d’offrir aux entreprises françaises la possibilité d’héberger leurs données sur le territoire national, nouvelle gouvernance oblige, selon le mot d’ordre de la Souveraineté numérique.</p>
<p><img src="https://www.eff.org/files/cloud-leaky.png" alt="" /> (<a href="https://www.eff.org/deeplinks/2018/03/responsibility-deflected-cloud-act-passes">source</a>)</p> <p>Cependant, le <em>CloudAct</em> (<em>clarifying lawful overseas use of data act</em>), adopté dans la nuit en mars par le Congrès et le gouvernement américains, organise le cadre de la communication de données personnelles hébergées par les fournisseurs de cloud américains. Selon cette loi, les fournisseurs d’infonuagiques (<em>cloud providers</em>) doivent mettre à disposition du gouvernement américain, sur sa demande, les données de leurs clients même si celles-ci sont hébergées à l’extérieur des États-unis, et ce sans avertir les clients. Nuance, cependant, les <em>cloud-providers</em> disposent de 14 jours pour 1) rejeter la demande si le client n’est pas américain et ne réside pas sur le sol américain, et 2) pour contacter le pays hébergeant les données afin d’apporter la preuve que fournir lesdites données enfreindrait la loi du pays d’accueil de celles-ci. Cela étant, cette “protection” est légère et le <em>Cloudact</em> ressemble à une nouvelle forme d’extraterritorialité, conformément à ce que l’on observe par ailleurs avec le régime des sanctions : l’actualité géopolitique nous l’a rappelé avec le retrait américain de l’accord nucléaire avec l’Iran.</p>
<p>Ainsi, nous serions en présence d’une nouvelle manifestation de cette puissance américaine qui édit son droit et le ferait valoir urbi et orbi.</p>
<p>Ce que peu observent pourtant, c’est que le <em>CloudAct</em> met un frein à la stratégie des <em>cloud-providers</em> américains vers la France (et au-delà, l’Europe), puisqu’ils ne peuvent plus répondre aux exigences de leurs clients en matière de gouvernance et de souveraineté de leurs données. Leurs centres de données, même s’ils sont établis en France, ne garantissent plus que ces données resteront en France quoiqu’il advienne. Et les grands comptes français, déjà frileuses à l’idée du cloud, vont être d’autant plus difficiles à convaincre. Les annonces rassurantes d’AWS ou d’Azure ne tarderont probablement pas, assurant respecter la législation du pays d’accueil et prenant à cœur la confidentialité des données de leurs clients. Cela risque d’être insuffisant pour convaincre leurs clients. Aujourd’hui en tout cas, les collaborateurs des grands fournisseurs américains ne savent pas encore quoi très bien répondre et devront probablement botter en touche en attendant les premières applications du texte.</p>
<p>Cependant, le <em>CloudAct</em> est un règlement qui n’a pas encore été appliqué. A l’inverse du RGDP européen, qui a été pensé de longue date et qui a accompagné les entreprises dans la transformation qu’il nécessite en leur accordant un délai de préparation, il faudra attendre les premières jurisprudences pour savoir comment le règlement américain sera appliqué. Ses failles potentielles (notamment la nécessité de respecter la loi du pays hébergeant les données) peuvent amener à rendre le <em>CloudAct</em> impuissant et inutilisable : il est en tout cas parfaitement dissuasif et contraire probablement à ce que recherchaient les autorités de Washington. Il est toutefois trop tôt pour le dire, et il est peu probable que les sociétés françaises veuillent tenter le pari, surtout en ces temps de sanction transatlantique.</p>
<p>Il y a pourtant un gagnant dans toute cette affaire : OVH. Le fournisseur français s’est en effet efforcé de n’installer aucun de ses centres de données sur le territoire américain, allant jusqu’à créer une entité différente (OVH US) pour attaquer le marché états-unien. “<em>C’est par le biais de cette entité et uniquement qu’il sera possible de commander un service OVH hébergé aux États-Unis. Ce cloisonnement des données est clair et permanent</em>” affirme l’hébergeur sur <a href="https://www.ovh.com/fr/discover/us.xml">son site.</a> On peut retrouver une stratégie similaire chez Microsoft qui, avec son offre Office 365 “<em>acloud</em>”, offrent toutes les fonctionnalités d’Office 365, mais sans <em>OneDrive</em>, le <em>cloud</em> de Microsoft.</p>
<p>Aujourd’hui, OVH est le seul fournisseur <em>cloud</em> à être hors d’atteinte du <em>CloudAct</em>, ce qui offre à la France d’héberger un des “Paradis fiscaux de la données”, un <em>Data Paradise</em>, hors de portée des États-Unis. A terme, on pourrait même voir les acteurs européens s’y déplacer, préférant rester sous le giron protecteur de l’UE plutôt que d’être soumis à une justice américaine plus instable. La volonté d’indépendance des groupes français par rapport aux États-Unis est une réalité que les experts français du cloud rencontrent depuis plusieurs années. Alors que l’adoption du cloud s’accélère, c’est souvent des solutions hybrides que les groupes choisissent. Et si OVH leur offre les avantages de souplesse et de haute-disponibilités des fournisseurs américains tout en leur assurant l’indépendance d’hébergement de leurs données, nul doute qu’ils préféreront ce fournisseur.</p>
<p>Quant à OVH, si Octave Klaba a été visionnaire, il ne lui reste qu’à s’assurer d’offrir le même potentiel d’agilité sur les services associés. Le <em>DevOps</em> n’attend pas !</p>
<p>Paul-Antoine Kempf</p>
<p>NB : Egea est heureux d'accueillir ce billet d'actualité, par un bon expert du sujet (K junior!) : merci à lui. OK</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/05/23/Les-failles-du-CloudAct#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2187Les relations entre l'Allemagne et les Etats-Unis (Festival de Géopolitique)urn:md5:74909a2297aea2ddba645c82df189fda2018-03-24T11:35:00+00:002018-03-25T09:46:30+01:00Olivier KempfParoles orales et visuellesAllemagneEtats-UnisFestival GéopolitiqueGrenobleTrump <p>Je vous l'avais signalé (<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/03/13/Relations-USA-Allemagne-%3A-tensions-sur-l-OTAN">ici</a>), j'ai participé la semaine dernière au 10ème festival de Géopolitique de Grenoble. Les organisateurs ont enregistré la conférence et mis en forme, la voici prête à être visionnée, 1heure (et 6 secondes) sur l'Allemagne et ses raports avec les Etats-Unis.</p>
<p><img src="http://focuscampus.blog.lemonde.fr/files/2018/03/6V1A0555.jpg" alt="" /></p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=HybKjq_fr98">La vidéo de la conférence</a></p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/03/24/Les-relations-entre-l-Allemagne-et-les-Etats-Unis-%28Festival-de-G%C3%A9opolitique%29#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2173Relations USA - Allemagne : tensions sur l'OTANurn:md5:22625ad9ef6c316a3cf860e543935db12018-03-13T21:00:00+00:002018-03-13T21:01:49+00:00Olivier KempfColloques et conférencesAllemagneColloqueEtats-UnisGrenobleGéopolitiqueOTAN <p>J'ai le grand plaisir de revenir cette année au <a href="https://www.festivalgeopolitique.com/">Festival de Géopolitique de Grenoble</a>. Son thème : "Un 21ème siècle américain ?" IL commence mercredi 14 mars jusqu'à ce weekend.</p>
<p><img src="http://orientation.blog.lemonde.fr/files/2018/03/Estl229-Zoom.png" alt="" /></p>
<p><a href="https://www.festivalgeopolitique.com/programme">Programme</a></p>
<p>J'y serai dès vendredi soir et interviendrai samedi matin (dès 9h00) sur le sujet des relations entre Etats-Unis et Allemagne. Déjà beaucoup d'inscrits me dit l'organisateur : je laisserai donc une grande place aux questions que je devine nombreuses ! A vous y rencontrer avec plaisir.</p>
<p>O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2018/03/13/Relations-USA-Allemagne-%3A-tensions-sur-l-OTAN#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2172Les cent jours de Trumpurn:md5:4355fa8d82a15e62306042aa30dd770c2017-08-06T16:53:00+01:002017-08-06T16:53:00+01:00Olivier KempfLivres et écritsEtats-UnisTrump<p style="text-align: justify;">Texte de ma chronqiue parue dans le <a href="https://www.revueconflits.com/">numéro 14 de Conflits</a>, de juin 2017.</p>
<p style="text-align: justify;"> </p>
<p style="text-align: justify;"><img alt="Conflits n°14" class="attachment-shop_catalog size-shop_catalog wp-post-image" height="424" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://www.revueconflits.com/wp-content/uploads/2017/07/Conflits-14-Une-300x424.jpg" srcset="https://www.revueconflits.com/wp-content/uploads/2017/07/Conflits-14-Une-300x424.jpg 300w, https://www.revueconflits.com/wp-content/uploads/2017/07/Conflits-14-Une-212x300.jpg 212w, https://www.revueconflits.com/wp-content/uploads/2017/07/Conflits-14-Une-768x1086.jpg 768w, https://www.revueconflits.com/wp-content/uploads/2017/07/Conflits-14-Une-724x1024.jpg 724w, https://www.revueconflits.com/wp-content/uploads/2017/07/Conflits-14-Une-180x254.jpg 180w, https://www.revueconflits.com/wp-content/uploads/2017/07/Conflits-14-Une-600x849.jpg 600w, https://www.revueconflits.com/wp-content/uploads/2017/07/Conflits-14-Une.jpg 800w" title="Conflits-14-Une" width="300" /></p> <p style="text-align:justify">Le président Trump a donc passé le cap des cent jours depuis son élection. Curieusement, les médias ont beaucoup écrit sur cette étape, bien plus que pour ses prédécesseurs. Il en ressort l’impression générale que le président n’a pas réussi à prendre la mesure de la fonction et semble contenu par le système profond. De plus, en matière de politique étrangère, aucune ligne n’aurait été vraiment décelée et beaucoup y voient l’impréparation, pour ne pas dire l’amateurisme, du 45<sup>ème</sup> POTUS.</p>
<p style="text-align:justify">Il est vrai que le tableau est décousu. Il tient à des raisons internes : énormément de postes de l’administration n’ont pas été pourvus ce qui handicape sérieusement la tenue d’une ligne politique, quelle qu’elle soit. De plus, la première équipe a été affectée par la démission de Michael Flynn ou la rétrogradation de Steve Bannon.</p>
<p style="text-align:justify">Surtout, la succession de déclarations a montré une inconstance rare avec des foucades ou des revirements surprenants. À la suite d’une photo d’un enfant touché par une attaque chimique, il décide un raid de missiles contre une base aérienne syrienne. Après avoir déclaré l’OTAN obsolète, une brève rencontre avec son Secrétaire Général lui fait dire le contraire. Il monte le ton contre la Corée du Nord et annonce l’envoi d’un porte avion qui vogue en fait sur d’autres flots. Il avait annoncé une grande remise à plat avec la Russie et la Chine et il semble retombé dans l’habituelle tension avec Moscou, l’usuelle négociation subtile avec la chine. On attendait un isolationniste, mais une MOAB a été larguée en Afghanistan tandis que les opérations commandos et les frappes de drones se poursuivent. Plus récemment, le renvoi du directeur du FBI, James Comey, constitue pour certains une faute justifiant la destitution, comme Nixon.</p>
<p style="text-align:justify">La ligne serait-elle donc celle d’un simple conservatisme, au sens de la perpétuation d’une posture traditionnelle américaine qui n’aurait finalement pas trop évolué de GW Bush à Obama et à « the Donald » ? Pas si simple. Notons d’abord quelques succès : la nomination d’un juge conservateur à la Cour Suprême, l’augmentation du budget de la défense, le passage d’une loi sur l’Obamacare à la chambre basse… Il est donc possible que passé le temps de l’apprentissage, la démarche se professionnalise. D’ailleurs, les postes clefs semblent solides : Rex Tillerson ou le général Mc Master « font le job », d’autant plus discrètement que leur patron anime les médias.</p>
<p style="text-align:justify">Surtout, les coups d’éclat semblent cacher une ligne plus profonde, qui reste à confirmer. Au Moyen-Orient, l’effort est poursuivi contre l’EI à Mossoul mais aussi à Tabqa et Rakka, avec l’appui des milices kurdes, au grand dam d’Ankara. Il y a comme un partage des tâches : l’Irak dans l’aire américaine, la Syrie dans l’aire russe. Cette prudence (l’ambassade en Israël n’a pas été déplacée de Tel-Aviv à Jérusalem) s’accompagne d’une position similaire en Europe : si les déclarations ont rassuré les Européens, la pression pour qu’ils augmentent leur budget porte ses fruits. L’imprévisible Trump a ici plus d’effets que les admonestations polies de ses prédécesseurs. Enfin, il est fort possible que derrière les rideaux, Américains et Russes négocient activement. D’ailleurs, la Russie est très indulgente envers Washington malgré toutes les rebuffades apparentes. Ce profil bas intrigue.</p>
<p style="text-align:justify">Car la priorité est ailleurs : géoéconomique, elle vise d’abord la Chine. Certes, le retrait du traité transpacifique ouvre de grandes possibilités régionales à Pékin mais Trump renoue avec les alliances anciennes (Japon, Corée du Sud ou Taiwan) tout en se réconciliant avec les Philippines. La Corée du Nord lui donne argument pour peser sur Pékin. Là se joue le nouveau « grand jeu ».</p>
<p style="text-align:justify">Bref, bien que tumultueux, « le match n'est pas plié ».</p>
<p style="text-align:justify">O. Kempf</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/08/06/Les-cent-jours-de-Trump#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2145La crise des relations germano-américaines vue de Franceurn:md5:17639b35593a954eea5120a79e3c4f0b2017-07-10T21:11:00+01:002017-07-10T21:11:00+01:00Olivier KempfLivres et écritsAllemagneEtats-UnisEuropeFranceItalieLimes<p style="text-align: justify;">L'excellente <a href="http://www.limesonline.com/">Limes</a>, revue italienne de géopolitique dont il n'existe pas de vrai équivalent en France, m'a demandé un article pour sa <a href="http://www.limesonline.com/sommari-rivista/usa-germania-duello-per-leuropa">dernière livraison consacrée à la rivalité germano-américaine</a>. Elle m'autorise à publier ici la version française mais je vous incite à aller acquérir de toute urgence le numéro en italien car il vaut le détour, avec tout plein de cartes comme on les aime. De la géopolitique, je vous dis. OK</p>
<p style="text-align: justify;"><img alt="Copertina di Laura Canali" class="attachment-edicola-medium wp-post-image" height="522" src="http://www.limesonline.com/wp-content/uploads/2017/06/cover_517-370x522.jpg" width="370" /></p>
<p style="text-align: justify;"><a href="http://www.limesonline.com/wp-content/uploads/2017/06/cover_517-370x522.jpg">Source</a></p>
<div class="detail">
<h2 class="post-title"><a href="http://www.limesonline.com/cartaceo/la-francia-serve-a-berlino-contro-trump" title="LA FRANCIA SERVE A BERLINO CONTRO TRUMP">LA FRANCIA SERVE A BERLINO CONTRO TRUMP</a></h2>
<p>Parigi non è mai stata del tutto a suo agio né con gli Stati Uniti né con la Germania. Ma nello scontro fra i due può giocare da sponda per Angela Merkel. Con la speranza di ammorbidirne il rigorismo economico, condizione per far ripartire l’Esagono.<span class="pre_autore"> di Olivier Kempf</span></p>
</div> <p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Les relations entre l’Europe et l’Amérique traversent une période délicate. On peut les ramener à une crise germano-américaine mais ce point de vue mérite, d’emblée, quelques précisions. En effet, il suppose que l’essentiel repose sur une relation bilatérale, selon le vieux vocabulaire des puissances. Il n’est pas faux mais il ne suffit pas. L’Allemagne est effectivement une puissance européenne importante mais c’est son rôle prééminent en Europe qui dépasse son seul cadre national qui intéresse les autres puissances du continent. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Pourtant, si elle est indubitablement européenne, l’Allemagne moderne est aussi très américaine : le parrainage des États-Unis a en effet présidé à sa renaissance après la dernière guerre et il y a une reconnaissance permanente de la part des élites allemandes. Or, cette relation privilégiée a été profondément mise en cause par le nouveau président américain, Donald Trump à cause de son approche de la mondialisation. Vue de Paris, cette crise surprend mais l’élection d’E. Macron devrait susciter un renouveau de la relation franco-allemande et au-delà de la construction européenne, effet paradoxal des exigences du président américain.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><u><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">I Des relations germano-américaines marquées par l’histoire et l’économie</span></span></span></u></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">L’Allemagne apparaît en effet aujourd’hui comme le chef de file du continent. L’expression recouvre beaucoup d’ambiguïtés tant l’Allemagne prend soin à justement ne pas « diriger ». Il y a plusieurs raisons à cette abstention apparente. La première tient évidemment au poids de l’histoire. L’Allemagne porte encore la faute du III<sup>e</sup> Reich. Si elle a pu discuter la sanction de la Première Guerre mondiale (le fameux diktat de Versailles joua beaucoup dans la montée de l’extrémisme nazi), elle admet sans barguigner sa responsabilité majeure dans le déclenchement de la Seconde mais aussi les fautes de sa propre conduite totalitaire. De plus, l’Allemagne voulut conquérir l’Europe et ne laissa nulle part de bons souvenirs. Est-ce un hasard si régulièrement à Athènes, des manifestants dénoncent encore les atrocités nazies ? </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">L’Allemagne sait qu’elle devra durablement porter le fardeau de son histoire et que par conséquent son rôle européen devra constamment être abaissé. L’histoire récente force l’Allemagne à jouer « profil bas », dans une humilité structurante qui prend le pas sur sa place géographique au centre de l’Europe. On rappelle souvent que les pays font la politique de leur géographie, selon le mot attribué à Napoléon. Elle serait alors seulement européenne. Dans le cas de l’Allemagne, elle fait la politique de son histoire récente : à ce titre, elle dépend profondément des Américains. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Le poids de l’histoire</span></span></span></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Or, son histoire récente est celle d’une rédemption qui passe par deux canaux : l’Europe (et la réconciliation franco-allemande) mais plus encore, l’alliance américaine. Il convient en effet de regarder les dates : l’immédiat après-guerre est d’abord vécu sous la crainte d’un sursaut allemand et d’une répétition du ressentiment des années 1920. Aussi les puissances européennes décident de mettre en place un système de sécurité initialement tourné contre l’Allemagne : traité franco-britannique de Dunkerque en 1947, élargi au Benelux en 1948 dans le cadre du traité de Bruxelles de l’Union Occidentale. L’Allemagne est alors occupée par les quatre puissances qui avaient gagné la guerre. Le coup de Prague et l’émergence d’une « guerre froide » en 1948 changent peu à peu les priorités. Ainsi, les Européens signent-ils avec les Etats-Unis le traité de Washington (l’Alliance Atlantique) en avril 1949 : l’Allemagne n’en est pas partie prenante et déjà, la question soviétique pèse sur la sécurité européenne. Cependant, ce traité est aussi le résultat du blocus de Berlin ouest qui dure de juin 1948 à mai 1949. La République Fédérale d’Allemagne est fondée le 23 mai 1949 à partir des trois zones occidentales, poussant les Soviétiques à créer la République Démocratique d’Allemagne en octobre de la même année. Ainsi, l’Allemagne contemporaine renaît grâce au parapluie américain. Politiquement, la RFA est peut-être un nain, mais elle existe à nouveau.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">La crise de la Communauté Européenne de Défense (CED) apparaît trois ans plus tard, en 1952. En jeu, le réarmement de l’Allemagne. On pense au début à une armée européenne qui intégrerait des unités allemandes mais les Français, pourtant à l’origine du projet, se raidissent et la refusent en 1954. Là encore, l’insistance américaine joue à plein. La RFA adhère logiquement à l’Alliance Atlantique en mai 1955 entraînant la création par les Soviétiques du Pacte de Varsovie. L’Allemagne peut à nouveau jouer un rôle militaire, dix ans après la fin de la guerre, toujours grâce aux Américains ! Ceux-là seront encore présents au moment de la construction du mur de Berlin (1962) ou de la crise des euromissiles (1979). </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ce bref rappel historique démontre une chose : l’Allemagne contemporaine s’est toujours vue alliée aux États-Unis et n’a jamais cru à d’autres systèmes d’alliance. Ainsi, quand les Français proposent le traité de l’Elysée au début des années 1960, le Bundestag vote une résolution marquant qu’il sera toujours subordonné à l’alliance germano-américaine. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Il y eut bien sur quelques tensions : l’<i>Ostpolitik</i> de Willy Brandt des années 1970 fut mal vue à ses débuts et la position commune franco-allemande (entre Chirac et Schröder) au moment de l’affaire d’Irak (2003) apparut à beaucoup comme la fin d’une époque. Cependant, dans la durée, ces petites escarmouches ne sauraient affecter une relation pérenne qu’Angela Merkel (élevée dans l’Allemagne de l’Est et peu encline à critiquer les Américains, perçus comme les vainqueurs de la Guerre froide et donc les libérateurs de l’Allemagne de l’Est), s’attacha à renforcer.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Géoéconomie allemande</span></span></span></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ceci étant dit, l’Allemagne trouva également confortable de ne pas « diriger » l’Europe, du moins pas de façon flagrante Car si l’Allemagne refuse la géopolitique, elle accepte volontiers la géoéconomie. C’est d’ailleurs sur ce point-là que le bât blesse avec l’Amérique.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Rappelons que c’est parce que l’Allemagne a une dette morale qu’elle n’a pas de dette économique. Le mot allemand <i>Schuld</i> veut dire à la fois « faute » et « dette ». Inconsciemment, pour les Allemands, ne pas avoir de dette c’est ne pas être en faute. D’autant que là encore, l’histoire allemande est cruelle : l’hyperinflation de 1923 est perçue aussi comme une conséquence des « dettes de guerre » décidée par le traité de Versailles au titre des réparations. Il est vrai que les deux efforts de guerre, allemand et français, avaient été gagés par de la dette et qu’au slogan « l’Allemagne paiera », si populaire en France, répondait celui de « la France paiera », tout aussi vivace entre 1914 et 1918 de l’autre côté du Rhin<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/07/10/La-crise-des-relations-germano-am%C3%A9ricaines-vue-de-France#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">[1]</span></span></span></a>. La fortune des armes décida. Rappelons au passage que si les « réparations » ont été décidées par le traité de Versailles, l’intransigeance américaine dans le paiement intégral de la dette a aussi beaucoup pesé en 1923 : le fait est aujourd’hui bien oublié en Europe mais il dénote un état d’esprit que l’on retrouve aujourd’hui chez Donald Trump.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Rappelons également le rôle américain dans la reconstruction monétaire de l’Allemagne après la guerre. Là encore, les dettes accumulées pendant la Deuxième Guerre mondiale étaient présentes et la pénurie faisait rage. Au cours de l’année 1947, les Américains préparent dans le plus grand secret la réforme monétaire qui aura lieu dans les trois zones occidentales (hors zone soviétique, donc). Le passage à un Deutsch Mark unique est annoncé en juin 1948 et il va permettre la réforme économique préparée par Ludwig Erhard, celui qui va orchestrer le « miracle allemand » et poser les bases de l’ordo-libéralisme. Ainsi, le pilier actuel de la puissance allemande, l’économie, trouve ses racines dans l’appui américain. Il permet également la création de la RFA un an plus tard. La monnaie précède l’Etat. Symboliquement, elle le crée.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ceci explique le culte allemand du Mark fort et l’obsession pour l’exportation. Ajoutons-y les réformes Schröder (dites Hardt IV) qui ont introduit, au début des années 2000, une forte dose de libéralisme qui a dans les faits pesé sur le coût du travail. Autrement dit, faible coût du travail, monnaie forte, excellente image de marque, obsession pour l’exportation : l’Allemagne s’est parfaitement adaptée à la mondialisation qui avait été organisée au cours des années 1990. Elle a su prendre le tournant de la concurrence chinoise au point qu’aujourd’hui, elle est la principale bénéficiaire avec la Chine (et l’Inde) de la mondialisation.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Mais ce triomphe pèse sur les partenaires de l’Allemagne, en Europe et aux États-Unis. Certaines puissances européennes ont bien essayé de secouer le cadre jugé trop rigide de l’euro ou des règles de Maastricht. L’honnêteté oblige à dire que là n’est pas l’essentiel mais dans la dissymétrie de puissance économique avec l’Allemagne, dans ses trop forts excédents et dans son manque de consommation intérieure. Au fond, l’Allemagne est tellement efficace que ses succès se nourrissent des difficultés des autres qui n’arrivent pas à tenir le rythme ou ne réussissent pas à effectuer des réformes : France, Italie, Espagne…. Mais c’est également le cas avec les États-Unis qui accumulent depuis des décennies des déficits énormes (avec le monde entier mais particulièrement l’Allemagne). La seule différence tient au dollar, à la puissance des nouveaux géants technologiques (GAFA et NATU) et à la puissance de la place financière américaine.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Pour autant, l’équilibre est imparfait. C’est ce sentiment de déséquilibre qui anime le plus profondément Donald Trump. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><u><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">II Les difficiles relations entre MM<sup>me</sup> Trump et Merkel</span></span></span></u></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">La remise en cause par Trump de la mondialisation</span></span></span></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Les commentateurs se sont beaucoup interrogés sur la ligne politique de D. Trump. L’homme est en apparence imprévisible et en même temps bardé de certitudes. Sa communication par les tweets témoigne à la fois de beaucoup d’assurance et d’une profonde méconnaissance des affaires du monde. On l’a décrit populiste, réactionnaire voire fascisant. À rebours, observons tout d’abord qu’il n’y a aucune idéologie chez Trump. Chacun aura remarqué que ce n’est pas un intellectuel et qu’il n’en a pas la prétention. De même, ce n’est pas un homme politique classique, habitué aux campagnes électorales mais aussi aux nécessaires jeux d’alliance qu’il faut pratiquer pour composer, faire avancer ses dossiers, obtenir des soutiens et les échanger. C’est pourquoi lui attribuer des arrière-pensées extrémistes décrit mal sa personnalité. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Il est cependant roué, intelligent malgré sa brutalité, habitué aux négociations commerciales dures. Cette expérience explique en grande partie son instinct politique. Celui-ci dénonce la mondialisation. Pour les observateurs du reste du monde, une telle attitude surprend tant la mondialisation est comprise comme ayant été initiée par les Américains et diffusant un modèle américain. Longtemps, on s’est interrogé sur l’hyper-puissance américaine. Or, force est de constater un certain déclin, justement de cette hyper-puissance. Autrement dit, même si les États-Unis demeurent une puissance globale (et probablement la seule à ce niveau), ils sont moins dominateurs qu’ils ont pu l’être. Leurs interventions militaires sont au mieux des demi-réussites, ils ne réussissent plus à dicter les ordres politiques comme avant, des États n’hésitent plus à contester ouvertement leur direction… Certes, le <i>smart-power</i> profite à l’Amérique et les entreprises du digital inventent un nouveau modèle économique qui assure une avance insoupçonnée aux États-Unis. Pourtant, même ces grandes sociétés posent problème à D. Trump car il y voit l’expression d’une certaine mondialisation, technologique il est vrai, mais favorisant à la fois la désindustrialisation et l’évasion fiscale.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Autrement dit encore, D. Trump n’est pas contre « la » mondialisation, mais contre cette mondialisation-là. Il la juge déséquilibrée et au désavantage des États-Unis et veut donc corriger la balance en faveur de ses intérêts nationaux. Voilà au fond le principe fondateur de sa politique étrangère. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Cibler l’Allemagne</span></span></span></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Cela hiérarchise ses priorités, une fois évacuées les outrances de la campagne électorale. Il s’agit tout d’abord de peser sur les principaux bénéficiaires de la mondialisation : la Chine et l’Allemagne. Cela impose des attitudes différentes puisque la Chine est un challenger quand l’Allemagne est un allié. Mais la Chine est plus puissante que l’Allemagne même si celle-ci s’appuie sur l’Europe. Aussi D. Trump voudra-t-il peser et négocier avec Pékin. Il se permet d’être beaucoup plus direct avec l’Europe en général, l’Allemagne en particulier.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">De ce côté-ci de l’Atlantique, on ne soupçonne pas à quel point les Américains perçoivent d’abord l’Europe au travers de l’Otan. Dans leur inconscient collectif, l’Otan est principalement une organisation européenne (quand dans notre propre inconscient collectif, l’Otan est l’affaire des Américains). Cela explique les remarques désobligeantes de Trump contre l’Otan (jugée obsolète pendant la campagne) mais aussi pourquoi, une fois les corrections diplomatiques effectuées (l’Otan n’est plus obsolète, dit-il après avoir rencontré le Secrétaire Général Stoltenberg), il continue sa pression : les Européens doivent payer plus pour leur défense. On voit précisément à quel point cette question du rééquilibrage est centrale dans la pensée de Trump. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ce n’est pas un hasard si cette demande d’augmentation s’adresse prioritairement aux Allemands. En effet, les Britanniques sont épargnés parce que leur budget de défense est élevé et surtout parce qu’ils ont décidé le Brexit, augurant des relations renouvelées avec l’Amérique. Quant aux Français, ils jouent le jeu avec leurs interventions militaires en Afrique et au Moyen-Orient et leur efficacité prime sur le montant de leur budget (même si cela leur sera rappelé en temps utile). Mais les Allemands ont un niveau de à 1,18 % du PIB en 2016, ce qui est fort éloigné de l’objectif des 2% décidé par les Alliés lors du sommet de Galles en 2014.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Réponse allemande</span></span></span></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ainsi, au lendemain de sa première rencontre avec Mme Merkel, le 45<sup>ème</sup> POTUS déclara, le 18 mars 2017, que l’Allemagne doit « d’énormes sommes d’argent à l’OTAN ». Et dans un tweet, il ajoutait : « <i>Les États-Unis doivent être plus payés pour la défense très puissante et très coûteuse qu’ils fournissent à l’Allemagne</i> ». La chancelière a beau avoir annoncé que l’objectif des 2% sera atteint en 2024 et qu’elle a augmenté son budget de 1,4 milliards d’euro en 2017, rien n’y fait. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Il reste que voir un budget de défense allemand porté à 60 milliards d’euros (cible des 2%) poserait à coup sûr de sérieuses difficultés en Europe. Le budget français est aujourd’hui à 32 milliards et il resterait en dessous des 50 milliards si lui aussi atteignait, dans les temps voulus, le seuil de 2%. Autrement dit, avec un budget à 60 milliards, l’Allemagne serait la première puissance militaire européenne. L’Allemagne en est bien consciente et M. Sigmar Gabriel, ministre des affaires étrangères, l’observa crûment le 1<sup>er</sup> mars lors d’une visite en Estonie : « </span></span></span><i><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ce serait notre suprématie militaire en Europe et je pense que nos voisins n’aimeraient pas cela</span></span></span></i><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""> ». </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ceci explique la position allemande : tout le budget de défense ne doit d’abord pas être dédié à l’OTAN, ce qui sous-entend qu’il faut à la fois renforcer les moyens de l’UE mais aussi les moyens nationaux. Surtout, il faut réfléchir en termes de sécurité globale ce qui passe non seulement par la sécurité intérieure (lutte anti-terroriste notamment) mais aussi par l’aide au développement afin de résoudre au loin les difficultés sécuritaires et économiques et d’éviter qu’elles se dégradent et provoquent migrations et terrorismes.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><u><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">III Et la France ?</span></span></span></u></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">La traditionnelle posture ambivalente française</span></span></span></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">La France est traditionnellement mal à l’aise avec les deux puissances.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Elle a certes toujours soutenu les États-Unis (qui se souviennent peu que leur indépendance est largement due à l’appui du roi Louis XVI) mais cette amitié ancienne est toujours entachée de soupçons et récriminations. Certes, les Américains sont venus en 1917 ce qui contribua sans conteste à la victoire. Mais leur retrait rapide, leur dureté financière et la non-ratification du traité de Versailles sont couramment vus, du côté de Paris, comme la manifestation d’un manque qui explique en grande partie la crise économique des années 1930 mais aussi la montée du nazisme. De même, la libération du territoire avec les débarquements de 1944 est toujours célébrée avec pompe (les Français, comme tous les Européens de l’Ouest, croient n’avoir été libérés du nazisme que grâce aux Américains, oubliant l’effort incroyable fourni par les Soviétiques sur le front Est) mais l’ordre imposé à l’issue et le manque de soutien lors des guerres de décolonisation (Indochine, Suez, Algérie) provoquèrent le sursaut gaulliste, la recherche d’une indépendance et le pari nucléaire. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ainsi, pour les États-Unis, la France a toujours été un allié indocile. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Vis-à-vis de l’Allemagne, les relations sont encore plus compliquées. Elles viennent du fond de l’histoire : les Francs étaient des Germains qui se sont autonomisés dès le V<sup>e</sup> siècle, ce que l’on vit lors du partage de l’empire carolingien en 843 (Charlemagne est revendiqué par les deux nations). Toutefois, au cours des siècles, l’Allemagne resta le plus souvent désunie : Saint-Empire Romain Germanique et empire austro-hongrois assuraient une complexité des affaires allemandes qui convenait tout à fait à Paris. Paradoxalement, ce furent les Français qui lancèrent l’unification allemande. La bataille d’Iéna en 1806 lança la prise de conscience par l’Allemagne de la nécessité de s’unifier : y assistent Hegel et Clausewitz tandis que Fichte prononce son <i>Discours à la nation allemande</i> en 1807 à la suite de l’invasion du pays par Napoléon. Le reste du XIX<sup>e</sup> siècle écrit l’histoire de cette unification achevée à Versailles en 1871. L’empereur croit alors clore une longue prise de conscience. Il ouvre simultanément les germes d’une discorde profonde qui donnera deux guerres mondiales.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Face à un tel passif bi-séculaire, la réconciliation franco-allemande constitue une nouvelle option. Elle est rendue possible par les deux défaites : celle des Français en 1940, celle des Allemands en 1945. Certes, la méfiance dure dix ans, jusqu’à l’échec de la CED. Mais dès 1950, le discours de l’horloge par Robert Schuman lance les germes d’un autre projet, celui de la construction européenne. On en connaît les étapes (CECA en 1951, CEE en 1957, Acte unique en 1986, Maastricht en 1992, Euro en 2002).</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Il est surtout rendu possible par la trajectoire française : en effet, la fin de la décolonisation au bout des années 1950 et l’arrivée du général De Gaulle obligent à trouver une nouvelle voie géopolitique : ce sera l’Europe et le nucléaire. Autrement dit, alors que la France suit à peu près le dynamisme économique allemand, elle compense son retard par sa puissance militaire et diplomatique. La France équilibre son grandissant retard économique, rendu patent avec la crise pétrolière des années 1970, par sa position politique et stratégique.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">La rupture des années 2000</span></span></span></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ce système fonctionna bien jusqu’au milieu des années 2000. Plusieurs éléments affaiblirent cet équilibre. En premier lieu, les réformes économiques allemandes déjà mentionnées aggravèrent la disparité de compétitivité. Ensuite, le référendum sur la Constitution européenne, refusé en 2005 par les Français, fut approuvé technocratiquement par le traité de Lisbonne en 2006, portant un coup à la réputation démocratique de l’UE. Enfin, la crise de 2008 fut comprise par beaucoup comme la preuve que l’UE et l’ouverture économique ne protégeaient pas contre les chocs.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Du côté des relations franco-américaines, les choses évoluèrent différemment. Après la tension maximale à cause de l’affaire d’Irak (en 2003, le <i>French Bashing</i> atteint des sommets outre-Atlantique), la France se raccommoda peu à peu avec l’Amérique. Le philo-américanisme d’un Sarkozy joua beaucoup, lui qui décida sans prévenir de rejoindre le commandement militaire intégré de l’Otan. Son successeur, François Hollande, renoua avec la tradition atlantiste des socialistes français et ne modifia pas la ligne de son successeur. Au fond, une grande part des élites françaises était néo-conservatrice et s’accommodait bien d’un certain interventionnisme, que ce soit en Libye (2011) ou en Syrie (2013, lorsque F. Hollande était prêt à bombarder Damas ce que B. Obama refusa au dernier moment). De même, les interventions françaises en Afrique furent appuyées par les Américains qui y virent un fort moyen de consolider l’endiguement des djihadistes du Sahel. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Ainsi, la France devint finalement plus à l’aise avec les Américains et plus gênée avec l’Allemagne qu’il lui fallait pourtant suivre. Chacun a pu voir l’épuisement du « moteur franco-allemand » et son incapacité à tirer l’Europe. De même, tout le monde a noté la discrétion française au moment de la crise des migrants lorsqu’Angela Merkel se débattait avec une opposition intérieure très vive. Le Premier Ministre français, Manuel Valls, avait eu des mots assez durs laissant à l’Allemagne ses responsabilités. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Par conséquent, vu de Paris, il y avait une certaine disjonction d’intérêts. La France était obligée de suivre l’Allemagne sur l’orthodoxie européenne (budgétaire) mais s’accommodait de la politique d’Obama. Elle réussissait à capitaliser sur sa puissance politique et militaire auprès des États-Unis pour compenser sa faiblesse économique, d’autant que ce n’était pas un critère déterminant pour Washington à l’époque.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Le cycle électoral 2016-2017</span></span></span></b></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">En quelques mois, énormément de choses ont changé. La Grande-Bretagne a voté sa sortie de l’Union Européenne, ce qui redistribue les équilibres européens : en effet, les trois capitales (Berlin, Londres et Paris) jouaient un jeu presque vaudevillesque de relations bilatérales pour contrer la puissance supposée du troisième. Ce schéma de comédie disparaît avec la mise à l’écart du troisième : Berlin et Paris sont désormais obligés de se rapprocher, pour la simple nécessité de préserver l’acquis européen qui autrement se déliterait rapidement, d’autant que les populismes sont en force partout, comme on l’a vu dans toutes les récentes élections. Dès lors, les deux sont obligés de composer et de faire des efforts pour ici adoucir des règles trop rigides, là trouver un nouveau projet mobilisateur. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Peu après, Donald Trump était élu. Comme on l’a dit, il est moins politique et plus porté sur les questions économiques. S’il vise l’Allemagne, c’est au fond le rival européen qu’il cible. Dès lors, la coopération bilatérale franco-américaine peut perdurer dans le champ militaire, l’essentiel se situe sur le terrain politique et économique. D. Trump s’était de plus déclaré assez partisan de M<sup>me</sup> Le Pen, y voyant le pétard final qui allait achever l’UE, après la détonation du Brexit.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">C’est ici qu’intervient le troisième choc, celui de l’élection surprenante d’E. Macron. Pétri de culture économique, partisan de l’UE qu’il a défendue tout au long de la campagne, promoteur de réformes libérales, il est finalement assez proche de l’ordo-libéralisme allemand et du pragmatisme américain. Il n’a en tout cas aucun complexe, ce qui change beaucoup des mentalités du personnel politique français. Simultanément, c’est peu de dire qu’il ne goûte pas la posture de Donald Trump. Aussi va-t-il très rapidement rejoindre M<sup>me</sup> Merkel pour organiser un front commun. Celui-ci pourra survivre aux élections allemandes de l’automne puisqu’entre Angela Merkel et Martin Schultz, peu de différences essentielles se font jour, vues de Paris. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Pour Berlin, l’arrivée d’E. Macron est une divine surprise. Alors que l’Allemagne était en difficulté avec Washington, voici que le couple franco-allemand pourra afficher un front uni face à la Maison Blanche. D’une certaine façon, les exigences de Trump vont forcer l’UE à se réformer, ce qui semble d’autant plus possible qu’enfin elle sort d’une terrible décennie économique passée à digérer les excès de la crise de 2008. Partout en effet, les taux de croissance reviennent en Europe, tout comme l’investissement, ce qui laisse augurer enfin d’une baisse du chômage. </span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Cet alignement des planètes économiques et politiques constitue une grande surprise. Il reste aux dirigeants des deux pays de savoir en tirer profit.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"> </p>
<p style="margin-bottom:6.0pt; text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Olivier Kempf</span></span></span></p>
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<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/07/10/La-crise-des-relations-germano-am%C3%A9ricaines-vue-de-France#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:"Calibri","sans-serif"">[1]</span></span></span></a> Voir <i>La Tribune</i>, Comment 90 ans après l’hyperinflation pèse dans la conscience allemande, 18 novembre 2013, <a href="http://www.latribune.fr/espace-abonnes/la-chronique-du-jour/20131118trib000796341/comment-90-ans-apres-l-hyperinflation-pese-dans-la-conscience-allemande.html">http://www.latribune.fr/espace-abonnes/la-chronique-du-jour/20131118trib000796341/comment-90-ans-apres-l-hyperinflation-pese-dans-la-conscience-allemande.html</a> . Voir également Frederick Taylor<b>, </b><i>The Downfall of Money</i><b>, </b>Bloomsbury 2013, 432 pages.</p>
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</div>http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/07/10/La-crise-des-relations-germano-am%C3%A9ricaines-vue-de-France#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2141OTAN : quelle stratégie sous l'administration Trump ? (entretien radio Vatican)urn:md5:0c160d9ce197d4b6d540844232f8fdb12017-02-24T21:24:00+00:002017-02-24T21:24:00+00:00Olivier KempfParoles orales et visuellesEtats-UnisEuropeOTANRadioStratégieSécuritéTrumpVatican <p style="text-align: justify;">Lundi 20 février dernier, j'ai accordé un assez long entretien (4mn 40) à Radio Vatican qui m'interrogeait sur l'attitude de l'OTAN (et au-delà des Européens) vis-à-vis de l'administration Trump. J'y ai fait part de mon analyse assez sceptique.</p>
<p style="text-align: justify;"><img class="img-art-foglia" itemprop="image" src="http://media02.radiovaticana.va/photo/2017/02/20/REUTERS1985890_Articolo.JPG" /></p>
<p style="text-align: justify;">Voici le lien <a href="http://fr.radiovaticana.va/news/2017/02/20/otan__quelle_strat%C3%A9gie_pour_ladministration_trump/1293640">http://fr.radiovaticana.va/news/2017/02/20/otan__quelle_strat%C3%A9gie_pour_ladministration_trump/1293640</a></p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/02/24/OTAN-%3A-quelle-strat%C3%A9gie-sous-l-administration-Trump-%28entretien-radio-Vatican%29#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2127US et OTAN, US et cyber : deux articles pour le HS de Conflitsurn:md5:a304fa584af58160e9d441ded8a2c9d72017-01-29T18:00:00+00:002017-01-29T18:05:06+00:00Olivier KempfLivres et écritsConflitsCyberEtats-UnisOTAN<p style="text-align: justify;">Je m'aperçois que je ne vous avais pas signalé deux articles parus dans la dernier Hors-série de <a href="https://www.revueconflits.com/">Conflits</a>, paru en septembre et dédié aux Etats-Unis. L'un sur les Etats-Unis et l'OTAN, l'autre sur US et cyber. Je les reproduis ci-dessous. Bonne lecture. egea.</p>
<p><img alt="Conflits HS n°4" class="attachment-shop_catalog size-shop_catalog wp-post-image" height="424" src="https://www.revueconflits.com/wp-content/uploads/2016/09/Une-Conflits-HS04-300x424.jpg" title="Une-Conflits-HS04" width="300" /></p> <div>
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<p style="text-align: justify;"><strong>Pour les Etats-Unis, l’OTAN est-elle encore utile ?</strong></p>
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<p style="text-align: justify;">Vu de France, l’Alliance est une machine qui sert d’abord aux Américains. Or, la perception de nos voisins est bien différente : pour eux, c’est plutôt une machine qui sert aux Européens, car elle leur procure une défense fournie par Washington, ce qui leur permet de faire de très sérieuses économies sur leur budget de défense. C’est bien d’ailleurs ce que pensent les Américains depuis des années, trouvant que les Européens n’en font pas assez.</p>
<p style="text-align: justify;"><u>Hier</u>. Il y a en fait une défiance assez ancienne des Américains envers l’Alliance. Sans remonter aux débats sur le « partage du fardeau » datant des années 1960, l’après-guerre froide a très vite montré des différences d’approche entre les deux rives de l’Atlantique. Ainsi, la crise du Kosovo fut vécue aux États-Unis comme la démonstration de l’inefficacité opérationnelle de l’Alliance. Ceci explique largement la posture de « transformation » prônée par Donald Rumsfeld qui affirmait « c’est la mission qui fait la coalition » : on ne pouvait pas marquer plus de distance envers l’Alliance. C’est d’ailleurs ce qui explique que la seule fois où l’article 5 fut déclaré (il s’agit de la clause de défense collective du traité), ce fut le 12 septembre 2001, à l’initiative des Européens qui convainquirent des Américains qui n’étaient pas demandeurs.</p>
<p style="text-align: justify;">La défiance demeura puisque les Américains lancèrent seuls une opération en Afghanistan puis laissèrent l’ONU mettre en place la FIAS (Force Internationale d’Assistance et de Sécurité) à l’hiver 2001. Ce n'est que 2 ans plus tard que la FIAS passa sous commandement de l’OTAN. Longtemps d’ailleurs, elle servit de parapluie diplomatique à une coalition, l’essentiel étant assuré par les forces américaines. Au maximum du dispositif, sur les 140.000 hommes de la FIAS, 100.000 étaient américains. Mais ils n’appréciaient pas les nombreux « <em>caveats</em> » (restrictions d’emploi) des troupes européennes qu’ils jugeaient donc inutiles. Au fond, l’OTAN ne redora pas son blason auprès des responsables américains au cours de l’affaire afghane.</p>
<p style="text-align: justify;"><u>Obama</u>. Aussi, dès la présidence Bush, on entendit les ministres de la défense reprocher aux Européens de ne pas être sérieux : d’une part ils ne dépensaient pas assez, d’autre part ils n’étaient pas assez efficaces. Au fond, la présidence Obama a poursuivi cette ligne, pour deux raisons. La première est la défiance foncière du président envers l’outil militaire. Surtout, longtemps, il a considéré que l’Europe n’était ni un problème, ni une solution. Du coup, il n’a fait aucun effort à son endroit et a plutôt négligé l’OTAN, laissant ses secrétaires d’État morigéner lesdits Européens. Finalement l’OTAN ne s‘est à leurs yeux montrée récemment utile qu’à l’occasion d’un seul objectif important, celui de la défense anti-missile, décidée au sommet de Lisbonne en 2010 et assidûment poursuivie depuis. Pour Obama, la priorité est d’abord à l’Asie. Pour lui, le retour russe n’est pas vraiment menaçant.</p>
<p style="text-align: justify;">Telle est la ligne à Washington, qui pourra surprendre ceux qui écoutaient le SACEUR, l’ineffable général Breedlove, qui ne cessait de grossir le danger russe, avertissant d’une possible conquête de l’Ukraine ou de la saisie du rivage entier de la mer Noire jusqu’à Odessa et la Transnistrie. Mais ici, il faut voir que par fonction, le SACEUR est « <em>dual hatted</em> » (double casquette) et qu’il honore aussi la fonction de commandant des troupes américaines en Europe (USEUCOM). En tant que tel, il est un commandant opérationnel dont le budget dépend du Congrès et qui obéit directement au président. Autant de facteurs qui l’incitent à une lutte politique pour les ressources, surtout à un moment où les budgets de défense sont contraints (même aux États-Unis) et où la priorité est donnée à l’Asie : grossir la menace sur a zone de responsabilité est un bon moyen d’acquérir de l’importance et de la visibilité, donc de maintenir les ressources. Bref, il faut distinguer entre ce que disent les Américains en Europe et ce qui est décidé réellement à Washington.</p>
<p style="text-align: justify;">Concrètement, la priorité n’est pas donnée à la Russie. La Chine est perçue comme le premier compétiteur stratégique, tandis que malgré la volonté de se désengager du Moyen-Orient, les affaires sur place ont plus d’effet aux États-Unis que ce qui se passe en Ukraine. Les attentats djihadistes intervenus ces derniers mois (Boston, San Bernardino, Orlando) contribuent de facto à importer la question moyen-orientale au centre de la politique américaine, sujet d’autant plus sensible que le pays est en pleine campagne électorale, que Mme Clinton a été secrétaire d’État (avec une controverse sur son rôle lors de l’assassinat de l’ambassadeur américain à Benghazi) et que Donald Trump a adopté une ligne très dure à l’encontre des musulmans.</p>
<p style="text-align: justify;"><u>Une réassurance minimale ou un retour d’attention envers l’OTAN ?</u> Dès lors, la multiplication des crises en Europe et l’insistance des alliés (Pologne, États Baltes, Roumanie) ont forcé l’Amérique à donner quelques gages de « réassurance ». Ainsi, le président Obama a annoncé l’envoi d’une brigade supplémentaire en Europe pour satisfaire les besoins de réassurance des alliés est-Européens (mais elle n’est pas dans le cadre OTAN). S’il faut contenter les Européens, ce n’est pas que la Russie inquiète car malgré ses efforts de modernisation, elle reste bien loin en termes de budgets et de performance technologique. Par ailleurs, la Russie se révèle un partenaire finalement utile pour gérer la crise syrienne, malgré les frictions (en train de s’accroître, à l’heure de la rédaction de cet article). Tel est le calcul de l’actuel président qui pensait laisser à Hillary Clinton le soin de mener une politique beaucoup plus interventionniste : on parle même de V. Nuland comme Secrétaire d’État, elle qui fut l’égérie des néo-conservateurs et très opposée aux Russes.</p>
<p style="text-align: justify;">Las ! cette belle mécanique d’indifférence bute sur plusieurs obstacles. En Europe, le Brexit tout comme les profondes crises qui touchent l’UE et ses membres (crise de l’euro, migrations, populisme, djihadisme) font que l’Europe redevient un problème. Aux États-Unis, le candidat républicain a jeté un pavé dans la mare en allant encore plus loin que le président Obama, qui se contentait d’une négligence discrète : pour Donald Trump, « l’OTAN est obsolète » et il mettra les Européens au pied du mur : « <em>NATO was done at a time you had the Soviet Union, which obviously was larger – much larger than Russia is today. </em><em>I’m not saying Russia is not a threat. But we have other threats</em> ». Ainsi, il suggère d’insister plus encore sur le partage du fardeau, ce qui consiste à la fois à menacer de désengager et à pousser les Européens à faire plus pour leur défense.</p>
<p style="text-align: justify;">Cette posture ferme a suscité une campagne de réaction de la part de l’établissement. Les experts et les politiques se sont succédé pour réaffirmer l’importance de l’OTAN et la nécessité de l’alliance avec les Européens. Puis le sujet a un peu disparu. Le sommet de l’OTAN n’a pas profondément infléchi cette ligne puisque les alliés ont décidé de confirmer leur cohésion de défense (donc, la réassurance envers les Européens de l’est). Les États-Unis ont poussé quelques dossiers concrets (défense antimissile) mais rien n’a fondamentalement changé. Tout dépendra en fait du prochain président. Une Hillary Clinton sera plus interventionniste. Cela ne signifie pas forcément plus d’opérations militaires, encore moins plus d’efforts envers l’OTAN, mais on devrait avoir une certaine continuité avec la politique globale des États-Unis. Un Donald Trump sera certainement beaucoup plus tranchant et voudra forcer les Européens à faire plus. Les débats devraient alors s’ouvrir.</p>
<p style="text-align: justify;">Le nouvel élu entrera en fonction début 2017. On peut donc prévoir une réunion de haut sommet avant l’été (par exemple avec l’inauguration du nouveau siège ?) afin de préciser les nouvelles orientations à la relation euro-atlantique, notamment dans son canal privilégié, l’Alliance. </p>
<p style="text-align: justify;"> </p>
<p style="text-align: justify;"> </p>
<p style="text-align: justify;"><strong>Les États-Unis et le cyberespace</strong></p>
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<p style="text-align: justify;">Le cyberespace constitue pour les États-Unis une ressource essentielle de leur puissance renouvelée. Il est en effet fréquent d’évoquer un déclin américain dont les échecs militaires seraient le signe, de l’Irak à l’Afghanistan. Ainsi s’expliquerait le désengagement américain qu’aurait conduit Barack Obama et que reprendrait, d’une certaine façon, Donald Trump. C’est pourtant ignorer que l’interventionnisme américain a pris d’autres formes (des frappes de drones à un impérialisme juridique<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/01/29/US-et-OTAN%2C-US-et-cyber-%3A-deux-articles-pour-le-HS-de-Conflits#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a>) et surtout que les États-Unis ont investi les nouveaux moyens de la puissance : espace sidéral, nouvelles technologies et surtout cyberespace. Ce dernier constitue en effet un des moyens essentiels de la nouvelle puissance américaine, celle qui vise à maintenir une domination géopolitique du monde au XXI<sup>e</sup> siècle. Cette cyberstratégie intégrale s’observe dans quatre champs principaux, piliers d’une puissance déjà projetée dans le futur : la technologie, l’économie, la défense et le renseignement. Est-il alors possible de rivaliser avec le cyberempire ?</p>
<p> </p>
<p><strong>I Les États-Unis ont créé le cyberespace</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Nul besoin de rappeler le goût américain pour la technologie, toujours perçue comme la solution aux problèmes du moment. Avec le cyberespace, la technologie présente un avantage supplémentaire, celui de créer un espace universellement partagé et sous contrôle américain. L’informatique puis le cyberespace furent largement créés par les Américains, même si les historiens notent la présence d’Européens au lancement de l’aventure. Une définition très simple du cyberespace le désigne comme le maillage de l’informatique en réseau. Si les premiers projets sont lancés dès les années 1960, si Z. Brezinski pressent très tôt le pouvoir de ce qu’il nommait la technétronique<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/01/29/US-et-OTAN%2C-US-et-cyber-%3A-deux-articles-pour-le-HS-de-Conflits#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a>, le véritable décollage du cyberespace date des années 1990 avec la révolution Internet.</p>
<p style="text-align: justify;">Au web 1.0 succèdent le web 2.0, puis les très grands acteurs (la bande de GAFA : Google, Amazon, Facebook, Apple), le <em>cloud</em>, le <em>big data</em>. Cette irruption en est encore à ses débuts puisque déjà les nouvelles vagues arrivent : internet des objets, ordinateur quantique, intelligence artificielle, robotique généralisée, convergence homme-machine, pour celles qui sont déjà anticipées. La très grande majorité de ces initiatives naissent sur le sol américain, avec des acteurs américains ou sous le contrôle, technique ou juridique, d’organisations américaines. Ainsi, les organes de régulation de l’Internet sont situés sur le sol américain, les principales organisations de serveur racine également, tandis que la plupart de la population mondiale utilise majoritairement des sites américains, à l’exception de quelques zones (la Chine, partiellement la Russie, l’Arménie…). Chaque requête que vous effectuez sur Google est, pour des raisons techniques, recopiée sur un serveur distant. Il y a donc une très grande probabilité que ce serveur soit sur le territoire des États-Unis ou transite par celui-ci (90% des communications Internet mondiales passent par les câbles transatlantiques). Autrement dit, quasiment toutes vos données peuvent tomber sous le coup de la loi américaine (ce qui relativise grandement les notions de « cloud souverain » ou de « fermes de données localisées »). Ainsi, l’architecture technique du cyberespace, qu’elle soit matérielle ou logicielle, donne aux États-Unis une position de quasi-monopole.</p>
<p><strong>II Une nouvelle économie qui va de pair avec la mondialisation</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Il y a des liens forts entre la mondialisation et l’émergence du cyberespace : ce n’est pas un hasard s’ils interviennent simultanément. Cette corrélation temporelle révèle une part de causalité. La mondialisation est un peu due à la dérégulation, beaucoup aux moyens techniques permis par ce qu’on désignait, à l’époque, de nouvelles technologies de l’information et de la communication. Elle permet bien sûr des transactions commerciales et financières mais aussi la gestion des marchandises (pas de mondialisation sans conteneur 20 pieds, eux même gérés exclusivement par ordinateur), les mouvements des êtres humains (gestion des voyages) et évidemment l’explosion des échanges culturels.</p>
<p style="text-align: justify;">Cela introduit un changement de paradigme économique. La mondialisation n’est pas simplement une concurrence économique élargie à la planète, c’est désormais un nouveau capitalisme qui s’affranchit des règles grâce au cyber. Celui-ci devient désormais le lieu d’une nouvelle conflictualité économique où tous les coups sont permis. Uber ou airB&B créent de nouveaux modèles économiques qui mettent à bas les anciens opérateurs notamment en s’affranchissant des règles locales : la position économique acquise doit devenir si importante que les procès longs et coûteux devront permettre une transaction laissant place à la nouvelle réalité économique (<em>too big to fail</em>). Sait-on ainsi que l’essentiel du capital d’Uber est destiné à payer non de la publicité ou des innovations technologiques mais des bataillons d’avocats sur chacun des territoires où la société s’implante ? Les grands opérateurs économiques utilisent également le cyberespace pour construire des modes complexes d’évasion fiscale afin de ne pas payer d’impôts, ce qui affaiblit d’autant les États.</p>
<p style="text-align: justify;">De même, les nouveaux acteurs investissent des secteurs à très forte intensité capitalistique. Il s’agit de prendre de gros risques industriels, avec énormément de capitaux et pour une durée de long terme afin de contourner les acteurs existants. Ainsi s’expliquent les paris fous des fusées : deux sociétés privées, Blue Origine (détenue par Jeff Bezos, propriétaire d’Amazon) et Space X (Elon Musk, le propriétaire de Paypal), s’affrontent pour construire de nouveaux modèles économiques qui mettent à mal les structures existantes, notamment Arianespace. Ainsi en est-il de Tesla, lancée là-encore par Elon Musk, marque de voiture électrique et luxueuse, sortie de rien et qui agite l’actualité, tandis que Google expérimente depuis de longues années la « voiture sans chauffeur ». L’abondance du capital disponible aux États-Unis rend possibles de telles expériences, très coûteuses, très risquées mais très rémunératrices en cas de succès, puisqu’elles obtiendraient alors un avantage comparatif déterminant qui tuerait quasiment les acteurs établis. Il ne s’agit pas simplement d’un processus d’innovation comme nous en avons l’habitude, mais d’un processus de disruption qui vise à annihiler le marché existant pour un créer un autre à sa main.</p>
<p style="text-align: justify;">Ces processus visent au fond à établir des dominations économiques complètes, en jouant au besoin sur les normes ou la corruption. Le cyberespace est un élément essentiel de cette stratégie économique totale, celle des États-Unis.</p>
<p><strong>III Les États-Unis et la cyberdéfense</strong></p>
<p style="text-align: justify;">En 1993, deux auteurs américains annonçaient : « <em>cyberwar is coming</em> ». Cela fait donc près de 25 ans que les Américains travaillent sur ce champ. De l’infoguerre à la guerre réseaucentrée, les théories se sont succédé. Mais le plus important n’était pas là, mais dans le développement de capacités toujours plus importantes. Ainsi, la <em>National Security Agency</em> (<em>NSA</em>) compte-t-elle 36.000 agents auxquels il faut ajouter environ 64.000 sous-traitants, soit une force de 100.000 hommes, pour un budget qui approche les 30 milliards de dollars. Edward Snowden<a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/01/29/US-et-OTAN%2C-US-et-cyber-%3A-deux-articles-pour-le-HS-de-Conflits#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a> a révélé l’étendue de l’activité de l’agence qui espionne tout, sous prétexte de lutte antiterroriste, alors que l’on sait qu’au maximum un seul attentat a été déjoué par elle. En fait, même si cela est peu connu, la NSA sert beaucoup (principalement ?) à l’espionnage économique afin de favoriser les entreprises américaines.</p>
<p style="text-align: justify;">Elle a certes joué en appui à des opérations plus géopolitiques voire militaires. Ainsi, elle a fabriqué le ver Stuxnet (en collaboration avec les Israéliens) qui visait une usine iranienne de recherche nucléaire, afin de ralentir son programme. Elle a mis en place un gigantesque système d’espionnage (la « galaxie Flame ») sur l’ensemble du Moyen-Orient, notamment l’Iran mais aussi toutes les factions locales en Irak, Syrie, Liban, … Un responsable américain a ainsi récemment fait savoir que les États-Unis menaient une « cyberguerre » dans la lutte contre l’EI, même si l’on savait déjà que la NSA avait aidé le général Petraeus au cours de la campagne d’Irak.</p>
<p style="text-align: justify;">Le cyberespace est considéré par les Américains comme un nouveau « milieu de la guerre », tout comme les autres milieux (terre, mer, air, espace sidéral). Leur doctrine est claire et constamment réaffirmée : ils veulent y jouer le premier rôle, n’hésiteront pas à se défendre et à riposter, ils utiliseront des « armes offensives » (comme Stuxnet) et n’écartent pas l’idée qu’une agression cyber sérieuse pourra enclencher une riposte non cyber, c’est-à-dire avec des armes conventionnelles. On retrouve ici la culture stratégique américaine, toujours gourmande de suprématie, de bombardements massifs, d’écrasement de l’ennemi : tant pis si ces catégories s’appliquent difficilement au cyberespace puisqu’à la différence des canons, on ne se foudroie pas à coups d’électrons, il faut bien observer une militarisation structurelle de l’approche américaine du cyberespace.</p>
<p><strong>IV Des rivaux ?</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Face à une telle volonté et une telle domination, est-il possible de rivaliser ? ou tout simplement de préserver une certaine indépendance ? Certains s’en donnent les moyens. Tout d’abord la Chine, mais aussi la Russie voire l’Inde, qui toutes ont saisi l’ampleur de l’ambition et donc de la menace. Les deux premiers mettent ainsi en œuvre des stratégies complètes d’autonomie cyber, à la fois technique, physique et logicielle, mais aussi économiques. Il ne s’agit pas de dire que ce sont des enfants de chœur ni qu’ils ne se situent pas parmi les premiers acteurs d’une certaine cybercriminalité (espionnage économique et hacking), simplement que cela fait aussi partie d’une stratégie destinée à prévenir la pression américaine, pas des plus tendres non plus.</p>
<p style="text-align: justify;">Au fond, la grande question touche l’Occident et particulièrement l’Europe. Si le Royaume-Uni a très tôt choisi une alliance très intime avec Washington, Paris et Berlin semblent plus gênés. D’une façon générale, les Européens ne perçoivent pas l’affirmation très dure des intérêts américains et demeurent façonnés par l’idée d’une communauté occidentale. Cela rend les démarches indépendantes dans le cyberespace difficiles à conduire puisqu’il faut collaborer juste assez pour progresser sans devoir révéler trop de choses, ce qui entraverait l’autonomie. Israël y réussit sans trop de difficultés, Paris s’y essaye. Pour beaucoup d’autres, on est plus proche de la vassalisation que du maintien de la souveraineté.</p>
<p><strong>Pour conclure</strong></p>
<p style="text-align: justify;">Le cyberespace est donc pour les États-Unis un formidable outil qui répond parfaitement à leurs aspirations : il est à la fois technologique et universel et permet d’agir dans les deux dimensions privilégiées de la puissance, l’économie et le militaire. On aurait pu ajouter la dimension culturelle en rappelant que soft power et smart power sont des inventions américaines et utilisent abondamment le cyber pour se diffuser. Tout ceci permet une stratégie intégrale qui vise à assoir (ou rétablir) une domination américaine sur le monde à venir. Beaucoup pensent que le moment de l’hyperpuissance est fini, à l’aune de quelque<a name="_GoBack"></a>s échecs en Afghanistan ou en Irak. Mais outre que semer le chaos dans des régions éloignées n’est pas forcément un échec au regard de la grande stratégie américaine, c’est surtout oublier que malgré les apparences, les États-Unis sont déjà passés à autre chose : ils ont l’ambition de façonner le monde du XXI<sup>e</sup> siècle selon leurs règles. Le dessein peut paraître illusoire, il est pourtant poursuivi avec détermination.</p>
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<hr align="left" size="1" width="" />
<div id="ftn1">
<p><a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/01/29/US-et-OTAN%2C-US-et-cyber-%3A-deux-articles-pour-le-HS-de-Conflits#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a> O. Kempf, L’indirection de la guerre ou le retour de la guerre limitée, <em>Politique Etrangère</em>, 2015/4 (Hiver).</p>
</div>
<div id="ftn2">
<p><a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/01/29/US-et-OTAN%2C-US-et-cyber-%3A-deux-articles-pour-le-HS-de-Conflits#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[2]</a> Z. Brzezinski, <em>La révolution technétronique</em>, Clamann-Lévy, 1971.</p>
</div>
<div id="ftn3">
<p><a href="http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/01/29/US-et-OTAN%2C-US-et-cyber-%3A-deux-articles-pour-le-HS-de-Conflits#_ftnref3" name="_ftn3" title="">[3]</a> Q. Michaud, <em>L’affaire Snowden, une rupture stratégique</em>, Economica, 2014.</p>
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<p> </p>
<p> </p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2017/01/29/US-et-OTAN%2C-US-et-cyber-%3A-deux-articles-pour-le-HS-de-Conflits#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2123Panama : des papiers opaques, finalementurn:md5:06062c9b9f8af8a2bae784a29379082c2016-04-15T12:07:00+02:002016-04-15T12:07:00+02:00adminGuerre économiqueEtats-UnisFraude fiscaleGuerre de l informationMédiasPanamaTransparence<p>Alors que la presse se répand en auto-louanges sur la nouvelle transparence permise par l’étude des « Panama papers », qui « pour la première fois » permettent d’avoir un « aperçu complet sur les paradis fiscaux », l’observateur reste sur son quant-à-soi. Être occidental, n’est-ce pas, c’est douter. Et notamment des belles et mirifiques choses que les bonimenteurs nous font avaloir, oyez ! oyez ! bonnes gens. Surtout quand ledit boniment vient du camp du bien et de la morale… Subitement, une alerte résonne (et raisonne). Vous allez me dire que je suis complotiste. Éternel argument quand on veut couper court aux arguments. Genre le Monde qui publie un article dénonçant « Ces intox qui veulent répondre aux Panama papers » (voir <a href="http://abonnes.lemonde.fr/evasion-fiscale/article/2016/04/05/ces-intox-qui-veulent-repondre-aux-panama-papers_4896178_4862750.html">ici</a>). Bref, dès qu’on s’interroge, ce sont de fausses informations.</p>
<p><img src="http://www.lesechos.fr/medias/2016/04/05/1211715_pourquoi-les-panama-papers-epargnent-les-americains-web-tete-021818134841_660x440p.jpg" alt="" /> <a href="http://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/021818134554-pourquoi-les-panama-papers-epargnent-les-americains-1211715.php">Source</a></p> <p>Comment dire ? c’est un peu gênant. Une source a donné des infos. Nul détail sur la source, son origine, ses motivations. Secret des sources, je présume. À part qu’on apprend un peu plus tard qu’il s’agit probablement d’un piratage de Mossack Fonseca (dont les mesures de cyberprotection semblent avoir été étiques, à défaut d’éthiques). Ah bon, un piratage ? genre Sony Picture ? Vous me direz, cela peut être n’importe qui. Mais rien ne nous garantit que le dossier n’a pas été purgé.</p>
<p>On apprend ensuite que le mystérieux contact a transmis l’info à la SüdDeutsche Zeitung qui a contacté un consortium international des journalistes d’investigation. 376 journalistes de 108 médias dans 76 pays ont travaillé pendant des mois, « dans le plus grand secret ». Ben voyons. 108 journalistes garderaient un truc secret : Sans que les services de différents pays un peu observateurs (je ne vise personne en particulier, car tous les pays sérieux répondent à cette description) n’aient eu vent de l’affaire et ne se soient prémunis ?</p>
<p>Accessoirement, ledit consortium est (partiellement) financé par US Aid et G. Soros. Le Monde s’indigne, en disant qu’il n’y a rien à voir (cf. article ci-dessus cité). Autrement dit, la fondation Soros n’avait pas la main sur le travail, nous dit le Monde. En revanche, l’argument de la proximité lui suffit pour « mouiller » tout un tas de grands méchants dont l’entourage a utilisé le fond panaméen : pas eux directement, mais leur entourage, donc eux… L’argument de la proximité a donc plusieurs degrés d’interprétation sur l’échelle de valeur. Tout cela, il est vrai, n’est pas un argument « contre » l’enquête (tout comme beaucoup d’arguments de l’enquête présentés comme « accusant » tel ou tel ne sont pas convaincants).</p>
<p>Mais on trouve quand même que tout cela fait un peu « mainstream ».</p>
<p>Sur l’absence de clients américains de renom dans la base de données, constatons tout simplement que les Américains ont leurs propres paradis fiscaux chez eux : ils n’ont pas besoin d’aller au Panama. Ceux qui voient la quasi absence de noms américains comme signe de la manipulation se trompent donc probablement. Du moins au premier degré. Car le sous-entendu est « ils ont retiré les noms des Américains ». Mais disant cela, cela n’explique rien du « complot » sous-jacent : pourquoi sortir ça ? pour faire tomber le PM islandais, mettre dans l’embarras le PM argentin, D Cameron, dire que Poutine, Xi et Assad et les princes du Golfe sont corrompus (ou veulent mettre leur richesse à l’abri) ? En soi, cela n’a pas de sens.</p>
<p>Autrement dit, l’enjeu n’est pas politique : or, Le Monde ne parle que de ça et c'est le vrai miroir aux alouettes. Il y a bien quelques éclaboussures politiques, mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui compte, c’est l’économie, ou plus exactement la finance, ou plus exactement la compétition entre paradis fiscaux. Avec, en visée finale, la capacité à imposer les crédules qui auront placé leurs épargnes diverses dans un paradis « peu sûr » et donc taxable. Ce qui ne serait pas mal à l’heure où les États ont de gros déficits et se demandent comment éponger leurs dettes.</p>
<p>Là, du coup, je suis complotiste mais je suis les banquiers suisses, qui ont eu des expériences malheureuses ces dernières années avec le fisc américain (au passage, le scandale de la FIFA –basée en Suisse – a été lancé par une administration fiscale américaine qui, une fois encore, n’a écouté que son sacro-saint culte de l’éthique des affaires et son souci de lutte contre la corruption). Qu’alliez-vous penser d’autre ?</p>
<p>La Suisse, donc, dont un journal financier nous dévoile le pot-aux-roses. En intitulant leur papier « Le coup de maître des USA » (<a href="http://www.agefi.com/quotidien-agefi/forum-blogs/detail/edition/2016-03-14/article/ceux-qui-transferent-des-actifs-aux-etats-unis-auront-une-surprise-de-taille-mais-surtout-tres-couteuse-421673.html">voir ici</a>). Qu'y lit-on ? Qu'au nom de la lutte contre les fraudeurs, les États-Unis ont réussi, au travers de plusieurs instances de régulation internationale, à encadrer sacrément l'activité de tous les riches qui voudraient s'échapper aux regards. Tout cela attirerait la sympathie si les États-Unis avaient un comportement irréprochable. Or, on apprend qu'un certain nombre d’États américains sont bien peu regardant quant à l'origine des fonds qu'on dépose chez eux, demandant bien peu d'information sur les titulaires de ces comptes : Delaware, Nevada, Wyoming. Une véritable « compassion bienveillante », selon l'auteur de l'article.</p>
<p>En fait, tout ceci est une belle manœuvre de « guerre économique » plus que de lutte géopolitique à l'ancienne. Le système financier mondial est au bord du crash, tous les analystes financiers vous le diront. Il est donc urgent de rapatrier le maximum de fonds sur le territoire américain, de façon d'être en position de les capter, le jour venu, aux cris bien sûr de la nécessaire taxation de fonds douteux. Et c'est ainsi que l’État américain va imposer ses vues, mais aussi les déposants étrangers, tout en ayant asséché la concurrence des autres paradis, ailleurs, dans le reste du monde. Voici le véritable objectif. La « transparence » si émotivement louée par Le Monde n'est que le prétexte à cette grande manœuvre. Quant aux petites bavures sur un premier ministre islandais ou britannique ou quelques dictateurs de par le monde, elles ne comptent évidemment pas. Il n'y a que Le Monde et consorts pour les prendre au sérieux.</p>
<p>A. Le Chardon</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2016/04/15/Panama-%3A-des-papiers-opaques%2C-finalement#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2553NSA (Claude Delesse)urn:md5:aabe5db56e2c519494d32f4faa23d0482016-04-04T20:03:00+01:002016-04-04T20:03:00+01:00Olivier KempfFiche de lectureCyberespaceEtats-UnisNSA<p>(Merci à Martine Cuttier pour nous proposer cette fiche de lecture)</p>
<p>L’auteure qui enseignait à la BEM Management School Bordeaux, est une spécialiste des sciences de l’information et de la communication. Elle a déjà exploré le sujet en étudiant le système Echelon (1). Une histoire de la NSA des origines à nos jours comble un vide car il y a bien peu d’écrits en langue française. L’analyse, dense de la richesse de la documentation basée sur des sources ouvertes, occupe la majeure partie du livre, une autre étant consacrée aux notes et aux annexes.</p>
<p><img src="http://www.tallandier.com/couvertures/zoom/9791021008632.jpg" alt="" /></p> <p>L’étude replace toujours l’action de l’agence dans le contexte historique tant international qu’étatsunien avec, en creux, une critique de la politique hégémonique des Etats-Unis. Comme elle l’avait fait dans son livre précédent avec Echelon (2) , l’auteure se penche sur les stratégies de domination technologique et informationnelle de la NSA et montre sans détour combien la maîtrise de l’information est un enjeu fondamental de suprématie pour des Etats-Unis de plus en plus concurrencés en tant que puissance mondiale. Et au XXIe siècle, l’enjeu est de garder la main dans le nouveau champ qu’est le cyberespace. La guerre globale contre le terrorisme au nom de la défense des valeurs démocratiques et de la sécurité des Etats-Unis n’est alors qu’un prétexte à maintenir un leadership mondial de plus en plus contesté. Détentrice du pouvoir de renseigner, la NSA constitue l’un des instruments de la puissance américaine et de la sauvegarde d’intérêts de plus en plus menacés.</p>
<p>L’analyse est méthodique et comprend quatre parties. La première rappelle quels furent les précurseurs de ce service de renseignement tourné vers les écoutes électromagnétiques. La NSA fut créée en 1952 afin d’intercepter, de collecter par les moyens clandestins et de déchiffrer les transmissions étrangères d’origine électromagnétique. La mission consiste à pénétrer le renseignement des signaux, le SigInt pour les Signals Intelligence mais aussi à protéger les communications et les systèmes de l’Etat indispensables à la sécurité des Etats-Unis (p 15). Cette entité gouvernementale relève du département de la Défense, elle apporte une aide à la décision aux dirigeants politiques, particulièrement au président des Etats-Unis et aux chefs militaires devenant une machine à produire du renseignement pour les trois armées et le corps des marines. Elle agit aussi pour l’ensemble de la communauté américaine du renseignement : CIA, FBI….ce qui n’empêche pas leur cloisonnement, leur manque de communication, leur compétition interne et leurs jeux d’influence. Elle est restée une puissance de l’ombre jusqu’aux révélations vite oubliées de deux anciens analystes, à la fin des années 1950 renouvelées par nombre de lanceurs d’alerte jusqu’à celles dévoilant le système Echelon à la fin des années 1990 et enfin celles d’Edouard Snowden, en 2013.</p>
<p>Dès sa création et durant toute la période de la guerre froide, elle alimente en informations le gouvernement sur les crises en cours, elle ne cesse de chercher à casser les systèmes cryptographiques soviétiques et à repérer d’autres menaces ce qui l’oblige à une course technologique permanente à la recherche de méthodes d’interception et de traitement des informations sophistiqués ainsi que d’équipements informatiques les plus performants. Etant un service secret, elle s’affranchit des règles internationales telles que le survol des espaces aériens. Elle est aussi à l’origine de manipulations et de contre-manipulations, d’information et de désinformation. La fin de la guerre froide provoque une mutation du renseignement au profit de l’intelligence économique qui est l’espionnage économique car les rapports des forces mondiaux et les enjeux ont changé.</p>
<p>La deuxième partie décortique le fonctionnement, l’organisation, le budget colossal et les ressources humaines de l’agence elles aussi en constante croissance. Son quartier général situé à Fort Meade dans le Maryland ressemble à une véritable ville : SigInt City ou Crypto City (p 103). Il est au cœur d’une gigantesque toile d’araignée avec des centres régionaux, des stations et des moyens mobiles d’interception mais surtout la coopération avec ses alliés. Bien que la NSA les espionne aussi ce qui est la règle dans le monde du renseignement, les Etats-Unis ont constitué plusieurs cercles d’alliances dont le premier est celui des Five Eyes issu de l’accord secret BRUSA de 1943 entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne étendu aux membres du Commenwealth (3) par l’accord UKUSA en 1946 qui fait des agences anglo-saxonnes les « Second Party Nations » (p 37, 171). Un cercle très fermé qui se répartit le renseignement SigInt en zones planétaires. Le fonctionnement implique des relations avec le Congrès qui a le droit de contrôler les activités de l’Exécutif considérées comme secrètes tout en ayant la responsabilité de protéger les secrets de la défense nationale quitte à limiter les pouvoirs de l’agence laquelle doit respecter les lois protégeant les libertés individuelle et la vie privée garanties par le 4e commandement de la Constitution. Son rôle est en réalité très ambiguë fait d’intransigeance et de connivence du fait du jeu des lobbies.</p>
<p>Enfin, afin que l’agence détienne la puissance de calcul et domine l’infosphère, elle est engagée dans une course technologique en mobilisant la communauté des chercheurs dans les domaines de pointe car le pôle RD de la NSA ambitionne de dominer les réseaux informatiques et de communication au niveau mondial et de transformer la surinformation en avantage stratégique (p 205). Pour y parvenir, elle noue des partenariats avec des laboratoires universitaires et cherche à attirer les meilleurs experts et les étudiants prometteurs.</p>
<p>La troisième partie porte sur les dérives et les paranoïas de l’agence. Pour cela, l’auteure revient sur les limites du renseignement électromagnétique tactique, les échecs puis les relations avec les partenaires industriels, les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès à Internet très motivées par le patriotisme et l’appât du gain bien que, depuis les révélations d’Edouard Snowden, certains résistent. Sont dévoilés les mensonges, les manipulations et les infractions de la haute autorité de l’agence et enfin les compromissions des commissions parlementaires souvent présidées par de fidèles partisans de la NSA. Elle montre l’habillage pseudo-démocratique de la Présidence y compris du président Obama justifiant les transgressions de la Constitution et des libertés civiles au nom de la sécurité nationale. Elle s’appuie sur sa promesse faite en 2013 de réforme du US Patriot Act et d’un meilleur encadrement des activités de surveillance de la NSA par la loi US Freedom Act de 2015 qui n’apporte guère de changement. Et l’auteure de conclure à une violation délibérée des libertés et de la vie privée qui a fini par provoquer critiques et résistances des citoyens. Les médias soutenant les autorités ou défendant les libertés afin de préserver la démocratie menacée à l’ère numérique.</p>
<p>La dernière partie est tournée vers les relations étrangères et les guerres secrètes actuelles menées dans le cyberespace. Hormis le pilier des Five Eyes, les Tier A avec lesquels l’agence partage des procédures communes, des données et des opérations militaires tout en imposant sa domination, elle calibre ses relations avec d’autres pays : le groupe Third Party. La collaboration est ponctuelle et ciblée lors de programmes spécifiques encadrés par des accords où chacun trouve un avantage. Sur la trentaine, une vingtaine constitue le Computer Network Operations. La NSA entretient des coopérations limitées avec des partenaires de troisième rang comme la France et Israël. Parmi les partenaires de la NSA, certains collaborant entre eux en fonction d’intérêts géographiques ou stratégiques comme les membres de l’OTAN qui discutent des questions SigInt au sein du NATO Advisory Committee on Special Intelligence :NACSI. Et depuis Londres, siège du SigInt seniors Europe : SSEUR, le groupe des Five Eyes s’est ouvert à des Européens dont la France au sein des 14-Eyes en vue d’une coalition contre-terroriste européenne en matière de renseignement électromagnétique militaire. Ce fut le cas pour l’Afghanistan. Il existe une coalition similaire pour l’Asie-Pacifique : les 10-Eyes.</p>
<p>Il reste un dernier niveau autour de coopérations exceptionnelles avec des pays plus ou moins hostiles aux intérêts américains et classés de « l’amical » au « neutre ». A l’heure de la guerre froide digitale, toute cette architecture est tournée contre les pays cibles : Chine, Russie, Iran, Venezuela, Syrie, Corée du nord. Les généralités posées, l’auteure détaille les ententes ambigües avec Israël et la France. A ce propos, l’étude aurait gagné à ajouter aux sources ouvertes un entretien avec le vice-amiral Arnaud Coustillière qui, à l’EMA, est l’OGCyber. Elle passe en revue un certain nombre de tensions comme celles liées à l’affaire Snowden et met l’accent sur les défis liés au cyberespace du point de vue de la gouvernance d’Internet qui pose la question de la souveraineté numérique. Le cœur du chapitre montre comment la NSA adapte son organisation en créant un US Cyber Command dans le seul but de gagner les guerres numériques futures afin de contrôler le cyberespace par la domination technologique et la maîtrise de l’information. Car depuis la création de la NSA, en 1952, son objectif n’a pas varié : espionner sans retenue afin de dominer, de répandre les valeurs américaines dans le monde tout en protégeant les intérêts américains.</p>
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<li>Echelon et le renseignement électronique américain, Editions Ouest-France, collection espionnage, 2012, 175 p.</li>
<li>Il s’agit d’un système intégré de surveillance et d’espionnage planétaire des télécommunications, placé sous l’égide de la NSA, en collaboration avec les agences de renseignement électromagnétique des alliés du premier cercle UKUSA.</li>
<li>Canada, Australie et Nouvelle-Zélande.</li>
</ol>
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<li>Claude Delesse, <a href="http://www.tallandier.com/livre-9791021008632.htm">NSA</a>, Tallandier, 2016.</li>
</ul>
<p>Martine Cuttier</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2016/04/04/NSA-%28Claude-Delesse%29#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2090L’opération Anarchist vue d’Allemagne : quel drone adopter ? (T. Wattelle)urn:md5:33021e80f6444231f7a5ce235aeabd992016-03-04T20:59:00+00:002016-03-05T14:39:41+00:00Olivier KempfIsraëlAllemagnedroneEspionnageEtats-UnisHeronIsraëlNSAROyaume-UniSnowden<p>L'opération <em>Anarchist</em> a été récemment révélé par <em>The Intercept</em>, le journal en ligne de Glenn Greenwald, sur la base de révélations Snowden (<a href="https://theintercept.com/2016/01/28/hacked-images-from-israels-drone-fleet/">voir ici</a> : les Américains et les anglais auraient observé pendant de nombreuses années les évolutions opérationnelles du drone israélien Heron. Or, l'Allemagne a décidé d'acheter les mêmes drones. Quelles conséquences <em>Anarchist</em> aura-t-il sur ce contrat ? C'est l'analyse que nous propose Tancrède Wattelle. Merci à lui. O. Kempf</p>
<p><img src="http://media.defenceindustrydaily.com/images/AIR_UAV_Heron-TP_Israeli_lg.jpg" alt="" /> <a href="http://media.defenceindustrydaily.com/images/AIR_UAV_Heron-TP_Israeli_lg.jpg">Source</a></p> <p><em>Un « tremblement de terre »</em></p>
<p>Considérée comme l’une des pires failles du renseignement israélien, l’existence de l’opération Anarchist est révélée en janvier 2016 par une étude poussée des documents publiés par Edward Snowden. Lancé en 1998, ce pilier de la coopération suivie entre la NSA américaine et le GCHQ britannique a notamment consisté dans la surveillance des mouvements de troupes israéliens durant leurs différentes offensives et opérations contre le Liban (2006) ou la bande de Gaza (2008, 2012, 2014). Le piratage de ces données, mais aussi d’autres systèmes de communication égyptiens, turcs, iraniens ou syriens permit entre autres d’obtenir des images précieuses d’un drone de fabrication iranienne. A partir de la base aérienne britannique de Troudos (Chypre), Londres et Washington visaient en particulier les communications pourtant cryptées entre les drones israéliens et leur centre de commande. Les techniques employées relevaient parfois d’une simplicité étonnante. Ainsi, au lieu d’employer des moyens lourds pour décrypter les données, les intercepteurs ont préféré utiliser des logiciels connus comme <em>ImageMagick</em> ou <em>AntiSky</em> pour regrouper les pixels et ainsi reconstituer les photographies aériennes prises par les drones. De plus, un rapport de 2010 du GCHQ notait qu’il était possible mais difficile d’avoir accès aux vidéos prises en direct par les engins. Durant l’opération israélienne dans la bande de Gaza (2008), les Britanniques réussirent même à obtenir une vidéo de 14 secondes du cockpit d’un F-16 en mission de bombardement. En plus des drones et des avions de combat, une attention particulière était portée à l’utilisation de missiles <em>Black Sparrow</em>.</p>
<p>De même, le mouvement des drones israélien était surveillé depuis la base satellite de Menwith Hill, connu pour être un haut lieu du système ECHELON (1), mais aussi d’interopérabilité et de coopération anglo-américaine en termes de surveillance des communications. En plus de cela, l’un des documents qui a fuité indiquait un intérêt certain pour le retour d’expérience issu de l’utilisation sur le terrain de ces drones à des fins commerciales. En effet, les concurrents du drone israélien <em>Heron TP</em> ne sont autres que les américains <em>Reaper</em> et <em>Predator</em> (produits par <em>General Atomics</em>), les trois étant en concurrence pour de nombreux marchés, notamment en France, aux Pays-Bas et en Allemagne.</p>
<p><em>L’Allemagne achète israélien</em></p>
<p>En effet, en attendant l’aboutissement du projet de drone MALE (2) tripartite (France, Allemagne, Italie), la ministre de la défense Ursula von der Leyen a annoncé le 12 janvier dernier que son pays allait acquérir entre 3 et 5 drones <em>Heron TP</em> auprès de son constructeur <em>IAI</em>. Si cette décision a surpris ses partenaires européens qui se sont tous positionnés pour le MQ-9 <em>Reaper</em>, elle s’inscrit dans la continuité d’un partenariat de longue date avec le constructeur, à qui elle avait déjà commandé des Heron 1, mais aussi entre les deux pays. En effet, la défense est un axe privilégié et historique de leur coopération, qui s’est traduit récemment par l’achat à des conditions très généreuses de sous-marins <em>Dolphin</em> (3). En ce qui concerne les drones, <em>Airbus</em> et <em>IAI</em> avait signé un accord d’association en mai 2014 pour fournir la <em>Luftwaffe</em> en drones, cette dernière ayant le choix entre l’achat et la location. C’est donc un contrat de <em>leasing</em> de 580 millions d’euros qui a été paraphé pour des livraisons d’appareil s’étalant jusqu’en 2018 (4), mais qui reste à être validé par le parlement allemand. D’un côté, il est intéressant de noter que Berlin a sensiblement réduit son ambition, passant de 16 appareils à seulement 5. De l’autre, contrairement à la position française (5), l’Allemagne aux positions ordinairement éthiques a souhaité contre toute attente que ses drones soient armés. En attendant l’Eurodrone, notre voisin semble donc obligé d’assumer son choix et de faire face aux limites décelées, sous réserve d’un vote positif du <em>Bundestag</em>.</p>
<p><em>Une problématique de plus outre-Rhin</em></p>
<p>Au-delà du scandale que provoque l’espionnage d’un allié historique des États-Unis par son principal soutien, l’Allemagne peut exprimer ses inquiétudes autour de son futur drone MALE. La révélation par les journaux <em>Der Spiegel</em> (6), <em>The Intercept</em> et <em>Jedioth Achronoth</em> de l’existence de l’opération <em>Anarchist</em> témoigne de l’existence d’une brèche grave de sécurité qui nuit à un éventuel emploi. En effet, comme en témoigne l’article du journal allemand, les Allemands, probablement influencés par la révélation des écoutes américaines de la chancelière, s’étaient décidés après mûre réflexion pour le <em>Heron</em> en mettant en avant la possibilité d’une « porte de derrière » dans le <em>Predator</em> permettant à la NSA d’accéder aux données du drone. C’est donc un contrecoup sérieux pour la <em>Bundeswehr</em> et pour l’exécutif qui n’avait cessé de se déplacer entre Israël et la Californie depuis 2 ans par l’entremise de Katrin Suder, secrétaire d’état à l’armement. De manière optimiste, les responsables avancent qu’<em>Airbus</em> devait de toute façon réaliser un système de sécurité différent de celui en vigueur. L’élaboration et la mise en place de ce dernier, qui tenaient de la routine, seront donc particulièrement observées. Néanmoins, la morosité est de mise, comme en témoigne un officier de la <em>Bundeswehr</em>, selon lequel « les Américains peuvent tout pirater » (7). Face au condominium américano-israélien sur le marché du drone et aux limites qui en découlent, il semble donc urgent d’accélérer le programme du nouveau MALE européen, qui verra le jour à l’horizon 2025, d’autant que cette problématique ne concerne pas seulement nos voisins allemands, mais aussi l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la France et probablement l’Espagne, tous dotés de drones de fabrication américaine <em>MQ-9 Reaper</em>.</p>
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<li>Système mondial d’interception des communications mis en œuvre par les Etats-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni</li>
<li>Medium Altitude Long Endurance</li>
<li>Wattelle Tancrède, « L’exception germano-israélienne », Revue Défense Nationale, n°642</li>
<li>Belan Guillaume, « L’Allemagne choisit le drone Heron TP », Air Cosmos, 13/01/2016</li>
<li>Cabirol Michel, « La France va-t-elle se doter d’un drone armé », La Tribune, 27/10/2015</li>
<li>Gebauer Matthias, Repinski Gordon, Stark Holer, « Operation Anarchist », Der Spiegel, n°5, 30/01/2016</li>
<li>Ibid</li>
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<p><strong>Tancrède Wattelle</strong>, étudiant à Science-Po Paris, Vice-Président Sciences Po Défense et Stratégie, Ambassadeur de la Marine Nationale</p>http://www.egeablog.net/index.php?post/2016/03/01/L%E2%80%99op%C3%A9ration-Anarchist-vue-d%E2%80%99Allemagne-%3A-quel-drone-adopter#comment-formhttp://www.egeablog.net/index.php?feed/atom/comments/2081