Egeablog - Mot-clé - Irak - Commentaires2023-06-28T12:43:19+02:00Olivier Kempfurn:md5:fc9dfa5de5fd9856c4c7bdd45e8ff3c1DotclearJihad en terre d'islam ? Une guerre civile de religion, plutôt... - chrlorine melturn:md5:e6478b86e4b54533becd00c0409b6b5d2014-07-08T00:43:44+02:002014-07-08T21:16:08+02:00chrlorine melt<p>Hi,<br />
Effectivement, la notion de jihad est tout sauf exacte puisque le jihad est autant initialement une discipline envers soi-même que plus tardivement (lors des réactions au 1eres croisades) un combat contre les mécréants.<br />
Du glocal avant l'heure, à venir plaquer de l'idéologie sur la difficulté de légitimité territoriale par les potentats locaux peu reconnus, peu suivis, peu aimés, donc en concurrence avec, et en combat contre, les croisés...<br />
Quant à la guerre civile, merci à vous de réinventer, sinon la poudre, au moins la fitna, la discorde. La localisation géographique (entre Shams et Bagdad) autant que le contexte contemporain (affrontement entre sunna et shiia) le commandent. Un peu d'histoire des religions rappelle simplement que les fitna successives entre califes, aspirants califes et maison du Prophète, sont une guerre civile... de religion. Ou plus précisément de recherche d'émergence de suprématie d'un courant religieux sur les autres sources de son temps.<br />
C'est là que se retrouve la discussion sur les sources du pouvoir en islam : entre réformes à visées sociales (le volet moderne de la contestation d'un ordre établi jugé inique) et la légitimation divine d'un nouvel ordre, dans le contexte des oscillations aporétiques entre tentation dynastique et remise en cause cyclique de ce pouvoir (illustrée par son terme dawla en arabe).<br />
Les héritages du découpage Sykes/Georges-Picot ne sont qu'un épiphénomène, tout au plus un catalyseur moderne. Des facteurs mais parmi d'autres dit votre invité.<br />
Quant à l'internationalisation, choisissez-vous le terme comme l'idée que les volontaires sont d'origines diverses et internationales, ou en parfaite concordance avec les brigades de la guerre d'Espagne de 1936 ?<br />
Parce que, si AQ est le komintern, si les bataillons de volontaires lui échappent, c'est donc le message d'adhésion qui prime sur la structuration... votre anecdote du turn-over opérationnel va dans ce sens. Guerre civile, mais pas de religion, de territorialisation d'un courant religieux. La déclaration du califat régional va dans ce sens.<br />
Il faudrait approfondir le sens que vous donnez à guerre civile.<br />
Par ailleurs, je ne trouve pas inintéressant d'interroger la notion foucaldienne de biopouvoir dans ce conflit de constitution d'un état, fût-il soi-disant islamique. La terreur sur les corps comme moyen de menacer et de montrer l'incapacité de l'adversaire à protéger ses administrés. La religion ne semble bien qu'un faux-nez rhétorique qui vise à annoncer son ancrage futur. Classique succession "guerre-territoire-Etat" puis administration, ici par la loi religieuse.<br />
Merci d'un éventuel retour.</p>
<p>ALC : Bien sûr, la fitna a toujours existé. Et oui, le sens original de "jihad" est d'abord spirituel. Mon propos vise simplement à constater que même dans l'acception occidentale courante de "jihad" (pour simplifier : guerrier islamiste) celui-ci est perçu contre "l'infidèle" et pas contre les autres musulmans. Les mêmes occidentaux ne savent pas, pour la plupart, ce qu'est la fitna.</p>
<p>Il reste qu'il y a une certaine différence, je crois (j'ai cru comprendre mais vous avez l'air beaucoup plus calé que moi) entre fitna et guerre civile. Là, mon approche est encore typiquement occidentale, utilisant des catégories "politiques" qui appartiennent au référent historique des Occidentaux. J'ai conscience du parti pris et l'assume.</p>
<p>Dès lors, je poursuis mes "analogies". Elles ne sont pas destinées à expliquer complètement un événement, mais à en saisir certaines caractéristiques. Dire que le "jihad" est une idéologie est ben évidemment réducteur, mais cela illustre un part certaine de la vérité. Évoquer les Brigades internationales est évidemment outré, mais permet de faire comprendre au lecteur les motivations de certains combattants (occidentaux mais pas seulement, loin de là, la majorité venant des pays d'islam) à rejoindre les islamistes en Syrie. Après, comparer AQ au Komintern, je ne suis pas allé jusque là mais filons l'analogie : il y avait plusieurs opposants à Franco : des communistes de stricte obédience, des anarcho-syndicalistes, des socialistes, peut-être même des trotskistes. Je connais mal l'histoire de la guerre d'Espagne mais crois me souvenir que tous ces groupes se chamaillaient sans arrêt, division qui permit, au moins en partie, à Franco de gagner. Vous avez dit Al Nusrah contre EIIL ? </p>
<p>Comparaison n'est pas raison, il reste que ces analogies permettent d'apercevoir des parts de vérité qui ne sont pas forcément explicités dans mainstream...</p>
<p>Quant à la territorialisation et Sykes Picot, très vaste sujet, essentiel mais qui nous entraînerait trop loin et risquerait de fatiguer le lecteur.... Au passage, je confesse ne pas connaître le biopouvoir de Foucault... D'un mot pourtant : oui, faux nez du religieux pour un projet qui est essentiellement politique. Je ne crois pas dire autre chose.</p>
<p>J'espère avoir répondu à une partie, au moins, de vos questions.</p>Jihad en terre d'islam ? Une guerre civile de religion, plutôt... - yves cadiouurn:md5:ad6d0659383b4b91fdeef329a2941db42014-06-27T10:45:02+02:002014-06-29T13:43:50+02:00yves cadiou<p>Au-delà de ce faux jihad, il y a quelques observations générales à faire sur les guerres irrégulières et sur nos “grilles de lecture”.<br />
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La comparaison avec les guerres de religions du XVIe siècle chrétien n'est pas entièrement satisfaisante parce qu'en Islam le chiisme est antérieur au choc de la modernité : il date du VIIe siècle. En Europe la Réforme apparut seulement après les grandes découvertes.<br />
Si l'on veut faire une analogie avec notre propre histoire, alors il faut se référer aux nombreuses périodes guerrières qui compromettaient la sécurité sur nos territoires. Ce fut le cas lors de presque toutes les guerres jusqu'à la fin du XIXe siècle, quand la soldatesque (et notamment ses déserteurs, livrés à eux-mêmes et agissant en bandes) vivait sur le pays, ce qui entraîna en France la création de la Gendarmerie. La guerre, si elle fut “en dentelle”, ne le fut pas pour tout le monde.<br />
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Voici où je veux en venir dans un premier temps : aujourd'hui encore, la caractéristique de toutes les guerres c'est qu'elles s'accompagnent d'anarchie et de banditisme sur les territoires où elles sévissent.<br />
“Bref, méfions-nous des grilles de lecture trop habituelles”, vous avez raison. Surtout n'oublions pas que dans les guerres dites irrégulières, le banditisme pur et simple se cache sous les étiquettes religieuses, politiques ou autres.</p>
<p>Notre personnel politico-médiatique n'aime guère parler de cet aspect des choses parce que ça jette la suspicion sur l'honnêteté des décisions d'intervenir militairement : en Afghanistan notre intervention a permis de multiplier par cinq la production de drogue (et donc son exportation vers nos contrées), activité criminelle contre laquelle le régime des Talibans s'était montré efficace. En Libye notre intervention a anéanti le plus fragile des Etats qui barraient la route vers l'Europe aux trafiquants de toutes sortes transitant par le Sahel (zone favorable aux transferts discrets de produits lucratifs venant de loin parce que la circulation, notamment aérienne, y est incontrôlée).</p>
<p>Certes, à chaque fois que possible nos décideurs diluent leur responsabilité au moyen de motions internationales. Mais ça ne suffit pas pour les exonérer : notamment pas la caution de l'ONU, où nombre d'ambassadeurs d'Etats faillis vendent leur vote au plus offrant.<br />
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Et voilà où je veux en venir dans un deuxième temps : en France nous avons tort de donner tous les cinq ans le pouvoir absolu, sous prétexte d'un “domaine réservé” qui est pourtant anticonstitutionnel, à une seule personne. D'autant plus tort que ce personnage est présélectionné par les partis politiques.<br />
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Le banditisme existe toujours en fond de tableau dans les guerres que l'on qualifie d'irrégulières. Pourtant le banditisme ne figure pas dans nos “grilles de lecture habituelles”. Il est temps de l'y intégrer et d'en tirer les conséquences chez nous quant au pouvoir que nous laissons aux partis politiques et à leur représentant d'intervenir en notre nom et à nos frais dans des guerres irrégulières.</p>L’EIIL à Mossoul et ses conséquences - ssp consulturn:md5:c16cb7e888622bde0b3d026623a822192014-06-14T20:38:13+02:002014-06-14T20:32:58+02:00ssp consult<p>Un article très fouillé qui nous sort très utilement des sentiers battus dans la foulée de l'explication américaine tellement subtile qu'ils sont en échec sur tous leurs théâtres d'action depuis ww2, finalement.</p>
<p>Aussi du fait de cette qualité une remarque pour construire un questionnement pertinent (belle manifestation, enfin, d'intelligence d'Obama hier refusant de suivre ceux qui battent la campagne dans son entourage à coups de "chiites/sunnites" comme grille analytique): une remarque en forme de gêne de voir le terme "djihad" dévoyé au point de couvrir des raisonnements absurdes chez nous: il ne peut pas y avoir de "djihad" en dar-al-islam entre islamistes. Le djihad c'est l'un des versants (je n'ai pas écrit versets) du devoir de prosélytisme de tout musulman, comme d'ailleurs de toutes les religions monothéistes révélées à commencer par le catholicisme ("universel"). La conversion pouvant se tenter par d'autres moyens, comme quand les USA cherchent à nous convertir au TTIP.</p>
<p>Cela est d'autant plus trompeur qu'il semble parmi ces "djihadistes" y avoir beaucoup d'ex cadres de l'armée de ce pays qui était laïc, pluri-religieux et ethnique et constituait une nation au sens "moderne" ou occidental, comme on veut (certes par des procédés peu recommandables chez nous). A preuve, durant huit années des chiites ont combattu aux côtés de sunnites la nation iranienne en une boucherie type 1914. C'est bien notre seule intervention qui a brisé cette nation qui est en train de se reconstituer à la mode locale, autour de notions trop subtiles pour nous (et là encore bravo pour l'étude cher Chardon) du type religions, sensibilités religieuses marqueurs de créations claniques, coutumes, histoires familiales, capacités économiques inhérentes à toute société désagrégée donc criminelle (remember Camorra ou Cosa Nostra de NY...), etc. Alors nous plaquons "les guerres de religion", à la va vite... Partout: RCA? Guerre de religions. Nigeria? Itou. Mali? Pareil.</p>
<p>Nous sommes donc bien davantage face à des guerres civiles de sociétés en émergence consolidation etc. bref en situation de guerres classiques, comme nous les avons connues ici, avec une dimension religieuse qui n'est pas celle que nous plaquons de manière fantasmatique, délirante.</p>
<p>Alors l'anathème religieux que nous dissimulons derrière ce "djihad entre musulmans" cache notre peur de ces gens capables de verser le sang quand nous nous préférons appuyer sur un bouton, notre peur de dhimis prosélytes de leurs valeurs imposées à coups de bombes guidées laser face à d'autres prosélytes. Notre peur de devoir reconnaître que nous avons bâti depuis quelques années une haine du musulman que nous accusons de haine: cercle vertueux, probablement.</p>
<p>Mais ne cacherait-il pas bien davantage notre propre peur de notre barbarie de bien pensants, actuelle quand nous fracassons à la légère sans avoir tous les éléments, et future, nous dont les économies exsangues ne parviennent plus à acheter la paix de manière aisée comme autrefois... La paix dans le monde et dans nos propres cités.</p>
<p>Peur que Kosovo, Ukraine, Libye, Mali, Irak fussent nos miroirs, nos futurs?</p>
<p>Avec ces projections de nos fantasmes sur le réel, nous ne comprenons rien, et nous sommes dangereux pour nous comme pour le monde. Où peuvent se trouver des buts de guerre chez un fou de guerre (remarquable film à méditer, avec un acteur nommé ... Beppe Grillo, qui joue le psychiatre militaire).</p>
<p>Pour redescendre au réel (?) irakien: sommes nous certains que Maliki n'a pas scrupuleusement suivi le draft que les Américains lui ont donné? Mais le maître se reconnaît au fait qu'il n'a jamais tort. Obama a compris qu'il est dans son tort, et qu'il est urgent de réfléchir. Il regarde trop Michael Moore ou quoi?<br />
Donc une supplique: réfléchir avant de se convertir à l'emploi "réflexe" du terme "djihad".</p>
<p><ins>ALC </ins>: Je n'ai pas abusé ici du terme jihad, convenez en, cher SSP. Mais il est vrai qu'il s'agit d'une guerre civile. A ceci prêt que l'EIIL se prétend trans-national (origine de son succès à l’extérieur, puisque des myriades de combattants le rejoignent pour cette raison) et a lancé son raid à partir de la base arrière syrienne et qu'il affiche (porté, malgré tout, par une "idéologie" qui se prétend jihadiste même si la religion a peu à voir avec ce qui est une idéologie, tout simplement). </p>
<p>Pourtant, son marqueur irakien devrait se révéler rapidement et l'hypothèse transnationale peut éclater bientôt (même si, entretemps, elle aura transgressé le dogme de l’intangibilité des frontières dans la région, deux mois après l'affaire criméenne). Je ne peux m'empêcher de penser aux deux Baas des années 1960, frères syriens et irakiens qui se sont entre dévorés. Sous d'autres formes, de profonds déterminismes réapparaissent.</p>