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Algérie : l'anti Lampedusa

Chacun connait l’aphorisme qui dit tout du Guépard, par Lamdepusa : "Il faut que tout change pour que rien ne change". L'annonce de la candidature d'A. Bouteflika suggérerait une approche contraire.... Comme s'il fallait que rien ne change pour que tout change

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Le système politique algérien surprend en effet par son opacité. Pourtant, il paraît dans le même temps stable. Stable car résultant d'équilibres complexes qui permettent à chaque "corps" de s'y retrouver. J'utilise ici le mot "corps", presque dans le sens de la corporation d'ancien régime et pour éviter l'anglais "lobby", et parce que "parti" a un sens trop politique. Or, l'équilibre dont il est question n'est pas une équilibre d'abord politique : c'est un équilibre "intégral" qui réunit de très nombreuses composantes de la société.

Ce ne sont pas simplement le FLN d'un côté et l'armée de l'autre. Ce ne sont pas simplement "les partis politiques" d'un côté et "les militaires" (Armée, Service de sécurité, ...) de l'autre. Il y a aussi la Sonatrach, les différents agents économiques, les syndicats, mais aussi les composantes dites traditionnelles, tribus et autres Mozabites sans parler des différentes ethnies. Chacun est représenté "en haut", dans ce "pouvoir" qui est nécessairement opaque : les choses y sont tellement compliquées, les équilibres si subtils que les manœuvres ne peuvent se dérouler au grand jour. L'opacité interne est un gage du succès de l'ensemble.

Ainsi s'explique également le contraste entre une presse finalement assez libre et une vie politique cantonnée à l'espace public, mais non à la prise de décision. La politique est débat et ce débat peut même, parfois, influencer les décisions "en haut". Mais chacun comprend bien à quel point cela est marginal.

L'équilibre est si complexe et si difficile à trouver que l'objectif partagé par tous consiste finalement à assurer la stabilité du système. La stabilité est la seule qui garantisse l'équilibre, or cet équilibre permet justement de ménager à chacun la prise en compte relative de ses intérêts.

Voici comment s'explique la candidature de A. Bouteflika. Celui-ci n'est à l'évidence pas en capacité d'exercer son autorité, si l'on en croit ce qu'on dit de sa santé. Paradoxalement, sa faiblesse extrême devient précisément la raison de sa reconduction. Chacun sait qu'il ne pourra pas aller au bout de son mandat. Et alors qu'on a eu le temps de préparer la succession, cela n'a pas suffit pour trouver un candidat qui satisfasse toutes les parties. A défaut, le système a préféré reconduire l'actuel détenteur du poste.

Bien évidemment, cette recherche de stabilité est profondément risquée. Car ne pas changer, c'est courir le risque d'un changement brutal, décidé par les événements : soit un décès du président soit tout autre événement (agression terroriste, irruption sociale...). Il faut y voir une sorte de fatalisme, de remise entre les mains du Très Haut du sort de l’État, car Lui seul saura, finalement, décider des voies et moyens. "Et c'est ainsi qu'Allah est grand", concluait Alexandre Vialatte à chacune de ses chroniques géniales et cocasses.

Pour que ça change, il faut que rien ne change : l'anti-lampédusisme est en action.

Le Chardon

Commentaires

1. Le jeudi 13 mars 2014, 18:22 par panou34

Certes l'immobilisme algérien permet une stabilité intérieure qui est loin d'éclaircir l'avenir d'un pays clé dans une région bien fragile et bien proche de nous......beaucoup plus que la Crimée ou l'Afghanistan.
Profitant de la situation,le vieux rival marocain mène à grand pas une offensive diplomatique sans précédent en Afrique de l'Ouest avec un long voyage de Mohamed VI dans la région. Rabat devient un intermédiaire dans le règlement malien,poursuit sa pénétration économique dans les secteurs bancaires et des transports........sans oublier une opération de régularisation de sans papiers sub sahariens qui ne laisse pas indifférente l'opinion publique africaine.
L'époque où la diplomatie algérienne taillait des croupières à son homologue marocaine semble révolue et du coup le règlement du contentieux du Sahara Occidental peut prendre une autre tournure si la paralysie d'Alger perdure.
C'est le moment qu'a choisi Paris pour amoindrir son partenariat avec le Maroc.
Sur un autre point il sera intéressant d'observer les positions prises par les pays africains sur la question ukrainienne.On peut prévoir la résurgence du vieux clivage de la guerre froide déjà perceptible dans les interventions politiques lors du conflit syrien.
Ah cette vieille guerre froide qui nous évitait la surprise stratégique!!!!

le chardon : intéressant de mentionner cette question de la surprise stratégique !

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