Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Élections européennes : plus importantes qu'il n'y paraît.

Les élections pour le Parlement européen sont marquées par un désintérêt général qui se traduira par une abstention record. Pire, un récent sondage montre qu'en France, une majorité de sondés trouvent que l'UE est inutile. Le débat entre les cinq prétendants à la tête de la Commission n'a été diffusé que sur LCP et pas sur une chaîne publique de grande diffusion. Autant de signes qui suggèrent l'organisation de la déroute, comme si finalement cela arrangeait bien des intérêts de faire croire à l'impuissance de l'Europe. Oh, certes on fait semblant de cliver et J-L Bourlanges a bien démontré ici que Schultz bonnet et bonnet Junker étaient une lutte factice. Bref, ce billet n'a pas pour objet de vous inciter à voter ou même à vous abstenir, mais de regarder un peu au-delà du débat soupeux qu'on nous sert en ce moment.

source

Car malgré cette faiblesse démocratique, un regard froid prévoit une autre histoire. Tout d'abord, qu'elle que soit l'abstention, l'Europe ne va pas s'écrouler d'elle même bien qu'elle puisse être la victime d'un écroulement général du système. Mais alors, elle serait emportée avec le système dont elle fait définitivement partie. Tant que le système se perpétue, hypothèse de cet article, il est illusoire d'envisager un démontage par morceaux (genre sortie de l'euro) ou même la sortie de l'Angleterre (puisque la City empêchera à toute force Londres de quitter l'UE).

En revanche on peut prévoir deux éléments de changement. Le premier tient à la désignation du président de la commission (ci après désigné par PC). En effet, une sourde lutte s'annonce entre le Parlement et le Conseil Européen des chefs d’État. Le PE exigera que le futur PC soit désigné parmi les candidats issus de son assemblée. Le CE essaiera peut-être de désigner un candidat extérieur aux six (ici, comptons sur les Britanniques pour pousser en ce sens). Une épreuve de force s'ensuivra qui devrait tourner à l'avantage du PE. Dès lors, le nouveau PE aura une légitimité personnelle qui l'incitera à plus d'initiatives que M. Barroso (euphémisme). Certes, bonnet blanc et blanc bonnet auront à peu près les mêmes options, mais ils auront un poids politique réel face au président du CE (actuellement van Rumpoy) et le chef du SEAE (l'ineffable baronne). Certes, des personnalités faibles mais qui étaient là pour contrôler la Commission.

Remarquons au passage que lors du même débat, M. Juncker du PPE (les conservateurs) s'est prononcé pour un Smic européen qui deviendra de ce fait le projet marquant du nouveau président, quel qu'il soit. Je ne sais pas si c'est une bonne chose mais le discours devrait quand même être moins lénifiant que le deuxième mandat Barroso.

Bref, on le voit, ce Parlement faiblement élu devrait être la cause d'un vrai (mais petit) changement des rapports de force dans la "gouvernance" européenne.

Rapidement pourtant, les problèmes vont survenir avec les référendums de l'automne. Celui en Écosse est légal et son résultat encore incertain. Toutefois, l'hypothèse d'une indépendance n'est plus une vue de l'esprit. Celui en Catalogne est "illégal" mais son résultat est certain. Autrement dit, l'Europe qui jusqu'ici avait été le moyen d'empêcher la fragmentation des États membres échouerait dans cette règle géopolitique.

Elle paierait là les deux erreurs fondatrices : celle de la reconnaissance précoce de la Croatie et de la Slovénie par l'Allemagne et l’Italie en 1991. Alors, en acceptant la dissolution du principe fédératif, les États européens ouvraient la boîte de Pandore. De façon encore plus inconséquente, au nom d'un soi-disant pragmatisme, l'UE bafouait ses principes en acceptant en 2004-2005 l'indépendance du Kosovo. Les meilleurs esprits ont dénoncé cet écart aux principes (vous savez, ceux dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles).

Elle s'est trouvée bien désarmée politiquement devant l'affaire criméenne où elle n'a trouvé à arguer que sur l'illégalité du référendum qui traduisait pourtant, de façon évidente, le droit des peuples à disposer d'eux mêmes, surtout à la suite de la rupture de l'ordre constitutionnel à Kiev. Elle sera encore plus désarmée face à une Édimbourg ou une Barcelone indépendantes, fin novembre. Autrement dit, les chocs géopolitiques vont bientôt arriver (et je ne parle pas des surprises...).

Autrement dit encore, ces élections de dimanche dépassent le simple score des partis populistes...

A. Le Chardon.

Commentaires

1. Le mercredi 21 mai 2014, 06:28 par ylo

"elle n'a trouvé à arguer que sur l'illégalité du référendum..."

Nous aussi nous avions eu un référendum sur l'Europe, légal et sur lequel s'était assis Sarko.
Cela aussi, a laissé des traces, sur le mode cette "technocratie n'est pas démocratique".

Et nous en arrivons a cette crise qui dure et l'€, vécu comme un désastre absolu au vu des disparités des économies qui sont rentrées dans la monnaie unique a coups de beurrage de lunettes, cumulé aux dumping fiscaux et/ou sociaux de certains états intégrés dans l'union a tords. Ce qui donne une dernière tare aux institutions européennes: L'incompétance. Barosso y a bien contribué.

Ajoutons l'impuissance face à un Poutine menacant et nous en arrivons à cette situation ou le parti qui a fat son crédo de la sortie arrive en tête, la ruine a la clef! Mais c'est ce qui arrive quand trop de gens n'ont plus le sentiment d'avoir grand chose à perdre.

2. Le jeudi 22 mai 2014, 07:29 par yves cadiou

Election importante en France, c'est sûr : quoi qu'il se passe dimanche, la situation la semaine prochaine sera différente de celle d'aujourd'hui.

De deux choses l'une : soit les électeurs confirmeront leur vote de 2005, soit les partis politiques qui ont ratifié le traité de Lisbonne auront pu se moquer du Peuple impunément. En février 2008 (moins de trois ans après le référendum de 2005 qui avait rejeté un texte analogue par 55% des voix) les députés ont voté le traité de Lisbonne par 336 voix pour, avec 52 contre, tandis que les sénateurs ont été 265 à l’approuver, 42 à le rejeter et 13 à s’abstenir. La question à laquelle nous répondrons dimanche, c'est principalement celle-ci : la "démocratie représentative" est-elle vraiment une démocratie ?

Bien sûr, on tente d'intimider ceux qui veulent répondre “non” à cette question : d'avance on les qualifie de fachos, de populistes, de xénophobes, de fauteurs de guerre (“le nationalisme c'est la guerre”, leur assène-t-on). Mais pour les électeurs qui se laisseraient intimider jusque dans l'isoloir, il existe des listes qui permettent de répondre “non” sans vergogne.

Du match de dimanche prochain, le machin européen n'est pas le véritable enjeu : le match de dimanche prochain, c'est la troisième manche du tournoi "démocratie représentative” contre démocratie.

Match aller en 2005 : la démocratie gagne, créant la surprise.
Match retour en 2008 : la "démocratie représentative" gagne, sans surprise, en trichant (bidouillage de la Constitution quatre jours plus tôt).
La belle dimanche prochain : j'espère que les tricheurs connaîtront une cuisante défaite.

3. Le jeudi 22 mai 2014, 09:01 par Thierry de Ravinel

A ce sujet, l'intervention de M sakozy hier ne me parait pas anecdotique. Je me rappelle d'un éditorial assez fort de Stephane Denis (que je regrette au passage de ne plus pouvoir lire...) , C'était avant la fin du mandat précédent, il s'agissait d'un appel à la création d'un véritable noyau politique de l'Europe autour de la France et de l'Allemagne.
Il y avait déjà urgence, maintenant il y a le feu, et l'ancien président regrette peut d'être de ne pas avoir pu répondre alors à cet appel...
L'absence de politique véritable des européens est en soi la pire des politiques: c'est celle qui suit le vent des intérêts financiers à très court terme, qui se drape dans de navrantes bonnes intentions, et qui ne peut entreprendre, que ce que d'autres, plus résolus ...(encore que...), soufflent aux oreilles de nos "décideurs".
J'ai peur que le train ne passe encore à toute allure devant un quai désert, et que personne ne puisse y embarquer. Pourtant rien n'est plus urgent que la création d'un noyau dur...à deux à trois ou à quatre, peu importe, mais de grace, faisons vinaigre...

Le chardon : parler de trains et de quai cette semaine où l'on apprend que la SNCF commande des trains trop larges, cela ne manque pas de sel... Accessoirement à la suite de la séparation entre exploitant (SNCF) et réseau (RFF) suite à une directive européenne dont on voit les effets bonifiques quotidiennement.

4. Le samedi 24 mai 2014, 10:48 par Ripicole

On hésite à contredire Le Chardon tant ses analyses sont pertinentes. Toutefois je me permets de ne pas être d'accord avec lui quant à la probabilité d'une forte abstention : au contraire, dans les Cafés du Commerce tant réels que virtuels où j'ai mes habitudes, j'entends ou je lis que le sujet intéresse : on en parle plus qu'il n'est coutume de parler d'élections. Je peux me tromper, on verra demain soir.

Demain soir aussi, et sur ce point je crois ne pas prendre de risque d'erreur, on entendra les commentateurs professionnels, c'est-à-dire les journalistes et les politiciens, tout expliquer par “le chômage”.
C'est l'explication passe-partout depuis longtemps : souvenons-nous qu'en 2005 “le chômage” expliquait obligatoirement le rejet de la Constitution européenne par les Français.
C'était une explication non seulement trop facile mais surtout malhonnête parce qu'elle permettait de ne pas trop tenir compte d'un vote qui était ainsi supposé résulter d'une poussée de mauvaise humeur populaire.
Contester la légitimité d'un vote qui déplaît, c'est courant mais grâce à la Toile la ficelle de l'explication par le chômage est devenue un peu grosse (Toile, ficelle : humour, ah ah).

Chômage : un calcul rapide permet pourtant de voir que sur 45 millions d'électeurs, plus de la moitié ne sont pas directement menacés.
5,5 millions de fonctionnaires titulaires relevant des pouvoirs publics, auquel on peut ajouter le négligeable effectif des militaires qui ne sont pas en CDD ;
les fonctionnaires SNCF, EDF et autres entreprises publiques ;
environ 1 million de professions médicales ou paramédicales dont les revenus sont abrités par la Sécu ;
15 millions de retraités ;
l'on peut ajouter que les conjoints de toutes ces personnes : même lorsqu'ils connaissent des difficultés pour trouver un emploi, les conjoints ne sont pas menacés de précarité.
Le total constitue une large majorité du corps électoral et par conséquent disqualifie les explications de vote par le chômage. L'on peut observer au passage que ce grand nombre de personnes non directement menacées par le chômage, c'est ce qui donne sa stabilité à notre économie (mais c'est un autre sujet).

Vous verrez que demain soir, quel que soit le taux d'abstention et quel que soit le résultat, le chômage en sera la cause principale. Cette explication, outre qu'elle est lassante et fausse, est insidieuse parce qu'elle permet au fond de contester la légitimité de l'expression populaire.

Yves Cadiou

5. Le mardi 27 mai 2014, 10:08 par Signal faible

Même les Guignols de C+ ont eu le souffle coupé : on a pu observer lundi soir qu'ils ne disaient pas un mot des élections européennes http://www.canalplus.fr/c-divertiss...
Pourtant la journée avait été riche en perles.
.
Très opportune, votre nouvelle rubrique "droit des Peuples à disposer d'eux-mêmes".

ALC : Je ne regarde pas les guignols. Je sais, j'ai tort mais je vous dit que je n'aime pas le mainstream. Nouvelles rubrique : bien vu, je n'y avais pas pensé mais effectivement, je vois que monsieur est un démocrate.

6. Le mercredi 28 mai 2014, 09:41 par Yves Cadiou

Vous dites que vous ne regardez pas les Guignols de C+ parce qu'ils sont “mainstream”. Pourtant c'est (peut-être involontairement) le principal attrait de ce petit spectacle : outre qu'il est bref et qu'en vidéo l'on peut accélérer, c'est précisément qu'il est “mainstream”. Il ne l'a pas toujours été : quand Délépine et Halin en étaient les paroliers, ils donnaient plutôt dans le véritable anticonformisme, avec des analyses originales et percutantes. Depuis le départ de Délépine et Halin, l'attrait des Guignols est ailleurs.

C'est encore supposé être une émission humoristique et pour ça c'est plutôt raté. Mais sous l'humour contraint, convenu, con souvent, les paroliers actuels laissent échapper chaque soir une info : la marionnette vedette, PPD présentateur de télé, nous dit ce que ses collègues réels tenteront de nous faire retenir de l'actualité. C'est pourquoi (comme je l'écrivais hier sous le discret pseudo de “Signal faible”) j'ai trouvé très informatif le silence de lundi soir. L'expression du mainstream est arrivée mardi, avec 24h de retard : “les Français ont voté à 14% pour des nuls, à 20% pour des voleurs et à 24% pour des racistes” nous disent les Guignols. Oubliée l'europhobie. Oubliée aussi, dans la mesure du possible, l'inefficacité des partis qui se partagent le pouvoir depuis quarante ans. D'après les Guignols ce vote est du racisme, point final. C'est donc ce que l'on doit retenir de ces élections européennes si l'on veut être conforme, ce qu'on pourra laisser entendre devant la machine à café sans être soupçonné de déviationnisme.
.
En revanche, il ne serait pas correct de mentionner les questions posées par OC (après ouverture du lien, zoomer sur la partie gauche de l'écran) http://odieuxconnard.files.wordpres... et notamment celle-ci : les europhobes élus au parlement européens vont-ils désormais vouloir démolir un système qui les a placés devant tous leurs concurrents ? C'est une question essentielle que l'on n'a pas beaucoup entendue.
Il est intéressant d'observer que les Guignols ne l'ont pas posée, cette question. Elle est rigolote, pourtant.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/2384

Fil des commentaires de ce billet