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Les deux dissymétries entre le Hamas et Israël

Beaucoup de commentateurs utilisent à tout crin le mot asymétrie pour n'importe quel conflit. Ils auront au moins retenu ça de l'Afghanistan et auront ainsi l'impression d'être de vrais stratégistes. Il me semble pourtant que dans le conflit opposant aujourd'hui Israël au Hamas à Gaza, il s'agit plus de dissymétrie, si l'on me permet de revenir aux fondamentaux.

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En effet, les deux parties s'accordent tout à fait pour utiliser le langage de la violence armée pour résoudre leur conflit. On se tire dessus avec les armes dont on dispose mais on accepte le lieu, le temps et la manière du conflit : bref, la thématique du conflit est symétrique. Pourtant, il y a clairement une différence de niveau ou de "puissance" entre les deux. En ce sens, il s'agit d'une dissymétrie. Normalement, en cas de lutte dissymétrique, l'adversaire inférieur refuse le combat : cela n'est pas exactement le cas ici puisqu'il accepte les duels d'artillerie et que ses combattants utilisent le terrain pour affronter ceux de l'ennemi, quel que soit leur blindage.

Il y a pourtant deux dissymétries.

La première tient au nombre des victimes. A la fin du week-end, on dénombrait plus de mille morts à Gaza dont on nous disait qu'un quart était des combattants. J'ignore comment on arrive à ce décompte mais admettons le. En face, on dénombrait 43 soldats israéliens tués pour 7 civils.

Le rapport entre les deux chiffres en dit long : 1000 victimes dans un cas, 50 dans l'autre, soit un rapport de un pour vingt. Voici un critère évident de dissymétrie. L'autre critère tient au ratio civil-Militaire : 1 soldat palestinien tué pour trois civils, quand dans le cas d’Israël, il y a un civil tué pour six soldats. Là encore, le rapport entre un camp et l'autre monte à un pour dix-huit, non loin du rapport de un pour vingt calculé pour le nombre total de victimes.

L'examen de ces chiffres étonne : pourquoi celui qui "souffre" le plus continue-t-il le combat ? Parce qu'il y a une autre dissymétrie cachée. Elle tient à la guerre des perceptions.

En effet, l'opinion internationale est très gênée par le nombre de ces victimes "collatérales". Tirer sur des centres de l'ONU ou appeler les habitants à quitter une zone surpeuplée (pour aller où?) sont difficilement admissibles au regard des canons moraux de l'opinion internationale. De ce point de vue, Israël est en train de perdre le conflit des perceptions. Mais cela entre en contraste très fort avec la perception intérieure du conflit. Alors que l'opinion internationale trouve Israël trop dur, l'opinion israélienne reproche au gouvernement d'être trop mou. D'une certaine façon, elle s'émeut elle aussi du nombre de ses morts : pas tellement le nombre de civils mais le nombre de soldats. Le pays est surpris par le niveau "élevé" de pertes provoqué par les combattants du Hamas, accusés bien entendu d'être déloyaux à cause de l'utilisation des tunnels. Pourtant, la ruse, la déception et le camouflage ont toujours existé à la guerre, y compris à la guerre "symétrique". La recherche de la surprise est la constante stratégique des conflits.

Aussi entend-on de plus en plus de voix en Israël appeler à une occupation intégrale de la bande de Gaza. Pour le Hamas, cela serait une victoire puisqu'il attirerait l'ennemi dans une zone incontrôlable où il pourrait déclencher facilement une nouvelle phase de combats, cette fois-ci asymétrique.

Ainsi, Israël est écartelé stratégiquement entre sa relative inefficacité militaire et sa surpuissance conventionnelle, entre une perception internationale très négative et une perception intérieure également très négative mais pour des raisons diamétralement opposées.

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