Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

42/15 For no One

Bien, une des deux frappes françaises en Syrie (à comparer au passage aux 60 frappes quotidiennes russes) provoque un ramdam que je ne comprends pas : des "Français" auraient été tués dans la frappe. Là, pour le coup, je soutiens assez nos autorités. Je préfère qu'on s'en occupe là-bas plutôt qu'ici. Ils vont sur un théâtre de guerre, faire partie d'un "État" qui s'oppose à l'ordre régional existant, ils acceptent donc les risques associés.

source

Pensées fugaces

En revanche, la difficulté vient de l'argumentation juridique : nous sommes en "légitime défense" et donc nous prévalons du droit international, de la Charte de l'ONU, partant des Conventions de Genève. Du coup, les "combattants" sur zone bénéficieraient du statut de "combattant" reconnu par les dites conventions. Mais du coup, quand ils rentrent en France, il est illogique de les poursuivre pour "terrorisme"... Bon, on ne va pas demander de la cohérence en ce moment (je suis tombé de ma chaise quand j'ai lu, dans le Monde, une analyse qui parlait de "la cohérence de cette position").

Si la ligne russe est claire, si la ligne iranienne l'est également, on peut s'interroger sur la ligne arabe. Le silence des puissances arabes de la région est assourdissant. Il signifie que les capitales arabes composent de facto avec la solution Poutine, qui leur paraît un moindre mal : vu de Riyad, mieux vaut Poutine que l'Iran, quitte à ce qu'on accepte une transition qui incorpore temporairement Assad. Cela marque surtout l'extrême défiance envers les États-Unis qui paraissent les grands perdants de l'affaire : leur inaction au moment de l'affaire des frappes chimiques il y a deux ans puis la signature de l'accord nucléaire avec l'Iran, ajoutées à l'impuissance en Syrie ou en Irak sont à l'origine de ce retournement. On en voit les effets en Irak où le gouvernement de Bagdad est désormais prêt à transiger avec la Russie, contre l’État Islamique. Face à cela, la position américaine est extrêmement passive.

Au fond, on est désormais dans la position où tout se joue sur le plan militaire, les développements politiques étant actés. On se retrouve dans la situation d'avant Dayton, en Bosnie, où les combats avaient permis de "dessiner" la frontière finale : les négociations ne portaient plus désormais que sur l'organisation politique, non sur les territoires. Aussi faut-il suivre avec attention les efforts russo-syriens. Ainsi comprend-on l'annonce de 2000 soldats iraniens qui auraient été engagés (au dire des renseignements américains). Les fronts les plus chauds à surveiller sont : la ligne autour de Lattaquié (dégager le pays alaouite de toute pression); l'autoroute Homs-Hama (assurer la liberté de circulation sur la SYrie utile); les faubourgs d'Idlib (capitale provinciale aux mains des insurgés, symbolique à ce titre); enfin, Alep au nord pour contrôler la frontière avec la Turquie, s'opposer à l'EI mais aussi faire la liaison avec le réduit kurde au nord-ouest.

Tout ne va pas pour autant aussi bien pour Moscou. L'enquête hollandaise sur le crash du Boeing de la Malaysian Airlines a rendu public ce que tout le monde savait : l'avion a bien été abattu par un missile sol-air. Celui-ci est logiquement de fabrication russe (il n'y a que ça dans la région, côté insurgé comme côté ukrainien, aussi les conclusions hâtives tirées par certains sont... hâtives). Reste l'incertitude sur l'auteur du tir mais aussi une légère condamnation de l'Ukraine qui aurait dû fermer son espace aérien. Il reste que le scénario le plus probable demeure celui d'un tir par les insurgés qui croyaient, par erreur, viser un appareil ukrainien. Malgré les contrefeux lancés par Moscou, cela entache la position russe. Remarquons pour conclure que l'Ukraine ne peut en tout cas bénéficier d'une quelconque supériorité aérienne ce qui permet aux insurgés de tenir.

Les négociations en Libye continuent de patiner, malgré les efforts de B. Leon, l'envoyé de l'ONU. Les deux factions qui s'opposent refusent d'agréer. En jeu, la position du général Haftar qui poursuit ses actions contres les islamistes, du côté de Benghazi. Devant l’impasse, l'alternative est simple : poursuivre les palabres, en espérant que la situation se décante sur le terrain (si les palabres sont probables, la clarification de la situation sur le terrain ne l'est pas du tout) ; ou alors choisir un camp, par exemple celui officiellement reconnu par la Communauté internationale, à savoir celui de Tobrouk. Cela ne garantit pas le succès et risque de susciter l’alliance entre le parti de Tripoli et les jihadistes de l'EI; en revanche, cela simplifie les choses et permet d'envisager un soutien des tribus.

Attentat à Ankara : on apprend peu à peu que l'EI semblerait être l'auteur de cet attentat. Ce qui est une mauvaise nouvelle pour R. Erdogan : non seulement sa stratégie de la tension avec les Kurdes ne donne pas de résultats mais sa relative tolérance envers l'Ei n'est pas payée de retour. Les élections du 1er novembre se profilent sous de mauvais auspices. Le risque d’une dégradation continue de la situation est croissant, avec au bout deux options : une guerre civile, ou un retour des militaires qui, comme en 1980, sifflent la fin de la partie.

Centième billet de "miscellanées"... J'ai dû rater une ou deux semaines. Le format me convient donc.... J'espère que vous aussi (messages de soutien bienvenus).

Parutions

1915-2015. UN SIÈCLE DE TRAGÉDIES ET DE TRAUMATISMES AU MOYEN-ORIENT par Carole André-Dessornes L'intention de cet ouvrage n'est pas de présenter une liste exhaustive de tous les conflits ou autres crimes de masse, mais de dresser une typologie de conflits les plus marquants et de voir en quoi cela a eu des retombées sur les individus et les sociétés. L'année 1915 est le point de départ de ce travail, année de lancement du triple génocide Arménien, assyrien et grec pontique, pour finir en 2015, avec l'ascension de Daech dans la région. (Coll. Bibliothèque de l'iReMMO, 12 euros, 126 p., octobre 2015)

LES POLITIQUES MILITAIRES EUROPÉEN... Politique Européenne n°48 - Sous la direction de Catherine Hoeffler et Samuel B. H. Faure Sommaire : « L'européanisation sans l'Union européenne ? / Le renseignement européen, les coopérations bilatérales au secours d'une intégration introuvable ? / Avions de combat / Réguler le commerce des armes par le Parlement et l'opinion publique / From Aspirations to Aspirin? / Européanisation ou otanisation ? Des députés experts militaires ? / Bien choisir pour mieux élire ? / Les nouveaux enjeux de la socialisation politique au Parlement européen (24,5 euros, 234 p., octobre 2015)

Le Laboratoire de Recherche sur la Défense est heureux de vous annoncer sa dernière publication : Focus stratégique n° 63 Le piège de la guerre hybride par Elie Tenenbaum Depuis son introduction au milieu des années 2000, la guerre hybride est devenue un concept en vogue au sein de la communauté stratégique occidentale. Faute de définition claire, son usage risque pourtant de mener à des incompréhensions, voire à de dangereux quiproquos. Au niveau politique et stratégique, le concept d'hybridité reflète la porosité entre la guerre régulière et la guerre irrégulière. Au niveau opératif, il renvoie à certaines manœuvres sophistiquées combinant dispersion et concentration des forces. Enfin, au niveau tactique et capacitaire, il décrit l'association d'équipements conventionnels modernes, normalement réservés aux formations régulières, et le recours à des tactiques non-linéaires, typiques de la guerre irrégulière. Ce mode de combat innovant a démontré son efficacité sur une grande variété de théâtres et avec des belligérants aussi différents que la Russie en Ukraine, l'Etat islamique en Irak et en Syrie, ou les cartels de la drogue au Mexique. Il importe pourtant de ne pas être aveuglé par une labellisation hybride unique dès lors que seules des stratégies différenciées sauront venir à bout de chacune de ces menaces. L'auteur Elie Tenenbaum est chercheur au Centre des Études de Sécurité de l'Ifri et coordonnateur du Laboratoire de Recherche sur la Défense (LRD). Agrégé et docteur en histoire, il travaille particulièrement sur la guerre irrégulière et sur les interventions militaires occidentales. Il est l'auteur de plusieurs articles sur la contre-insurrection et le co-auteur d'un ouvrage sur La suprématie aérienne en péril. Menaces et contre-stratégies à l'horizon 2030 (La Documentation Française, 2014).

Géopolitique du Vatican, aux PUF, par J-B Noé. Rares sont les États qui ont une politique mondiale, c’est-à-dire des intérêts diplomatiques et géopolitiques sur l’ensemble des continents. Les États-Unis, l’Angleterre, la France ou encore la Russie, de par leur histoire, leur poids économique et leur capacité de déploiement militaire, peuvent y prétendre. Dans cette courte liste figure un État souvent oublié et néanmoins omniprésent dans les relations internationales : le Vatican. Ce n’est pourtant pas sa géographie qui fonde sa puissance, ni son économie, encore moins sa démographie et ses ressources naturelles. Le Vatican a une véritable volonté d’influence, qui repose sur une organisation mondiale et une intégration de plus en plus forte dans les réseaux internationaux. Sa présence géopolitique et sa puissance diplomatique résident dans la force spirituelle et culturelle d’un État qui, tout en représentant l’ensemble des catholiques, parvient à parler au monde entier.

Ambulance 13 : le sixième tome est paru, toujours aussi excellent. Notre médecin héros se retrouve gueule cassée. Chirurgien militaire, Louis Bouteloup est désormais entre les mains de ses pairs. Grièvement blessé et défiguré sur le front alsacien, il peut cependant compter sur les talents de sculpteur d’Émilie pour retrouver un visage. Mis hors du cadre de l’armée, Louis est confronté aux peurs de l’arrière, aux monstrueux canons bombardant la capitale. Il découvre aussi le sentiment profond qu’il éprouve pour Émilie. Sera-t-il trop tard pour reconstruire leur vie ?

Articles, sites et liens

Culture

Vu le dernier Ridley Scott, Seul sur Mars. Très bon moment de cinéma, qui procure le même plaisir qu'Apollo 13. On y retrouve tous les tics américains : un indécrottable optimisme (le héros n'a jamais l'air de subir les affres de la solitude ou du doute); une mise en valeur de la technologie et de l'ingéniosité humaine (rien n'est impossible); enfin, plus intéressant d'un point de vue politique, la recherche d'une alliance internationale pour le bien commun. Mais alors que traditionnellement on allait chercher l'autre Grand, la Russie, voici (grande novation) que le scénario se tourne vers les Chinois, présentés comme ayant assez de technologie pour concourir (un peu en arrière quand même, n'exagérons pas) aux succès américains.

Quart de finale de rugby. Si les 20 premières minutes ont pu faire illusion, la sortie de Michalak (le seul Français à avoir un peu d'imagination, avec Scott Spending) a laissé le roi nu. On me dit qu'il ne faut pas blâmer les joueurs : toutefois,sur l'ensemble de la coupe du monde, on s'interroge sur certains qui n'avaient pas leur place. Ils étaient là par un choix du sélectionneur : OK, ne pas tirer sur le pianiste, mais force est de reconnaître que son système de jeu, ultra défensif, était erroné, depuis quatre ans. L'absence d'une charnière expérimentée et habituée à jouer ensemble s'est fait sentir durement. Après, j'entends également les défauts du système français : des clubs trop riches, trop de matchs, une fédération qui finasse, ... Bref, dans tous les compartiments du jeu et du problème, nous avons été fautifs. Cela étant, ce diagnostic unanime ne risque malheureusement pas d'être suivi de changements radicaux. Guy Novès qui arrive n'est plus le magicien d'il y a dix ans (Toulouse a finalement peu montré et peu gagné au cours des cinq à dix dernières années) et je ne suis pas sûr qu'il pourra, ni même qu'il sera partisan de mettre en place un système de jeu plus ouvert, avec la préservation d'une sélection nationale pour les joutes internationales. On ne peut qu'espérer dans sa science de la sélection et du coaching, où il a démontré des qualités. Pas suffisant pour inverser la vapeur.

Événements

29 octobre ANAJ IHEDN Les confettis de la République, Entre anecdotes et réflexion sur ces territoires oubliés de la France Bruno FULIGNI Auteur « Tour du monde des terres françaises oubliées » Jeudi 29 octobre 2015 19h30 à 21h00 Amphithéâtre Desvallières Ecole militaire. Inscriptions

2 novembre Forum du futur : Conférence-débat : crises au Moyen-Orient et en Asie méridionale . lundi 2 novembre 2015 dans l'après-midi à l'Ecole militaire amphithéâtre des Vallières

12 novembre IRIS France-Europe-Russie : schisme ou réconciliation ? Jeudi 12 novembre 2015 Palais du Luxembourg*, salle Clemenceau, de 9h30 à 18h00 Colloque organisé par l’institut Jean Lecanuet, le groupe sénatorial d’amitié France-Russie, l’Institut de relations internationales et stratégiques et l’Observatoire franco-russe, avec le soutien de la revue France Forum . Inscription préalable obligatoire, dans la limite des places disponibles. Vous recevrez une réponse à votre demande par courriel dans les jours suivant votre inscription. Se munir d’une pièce d’identité pour accéder au palais du Luxembourg. PROGRAMMEINSCRIPTION

1 décembre VIèmes Assises Nationales de la Recherche Stratégique : Qui est l’ennemi ? Détails et inscriptions

Egmont is hiring a Research Fellow for its Europe in the World Programme. The Egmont Institute and the European Policy Centre (EPC) are recruiting a Research Fellow, to work on the multilateral agenda. He/She will be based at Egmont and will benefit from its support services, but will also have the opportunity to work at EPC from time to time. The Egmont-EPC Research Fellow will be involved in the planning and execution of activities in his/her relevant policy area, both in Egmont and EPC. More Information (Deadline 31 October 2015.)

A. Le Chardon

Commentaires

1. Le mardi 20 octobre 2015, 09:10 par pascal

Bonjour,
Le format me convient aussi, le contenu tout autant : c'est court, clair, pertinent, varié;

Comme au rugby, puisqu'on en parle, le chardon montre toutes ses qualités..

Bonne route!

ALC : j'espère être un soupçon plus performant que les Bleus...

2. Le mardi 20 octobre 2015, 11:56 par Yves Cadiou

D'accord avec l'une de vos conclusions mais pour des motifs différents. L'argument de la « légitime défense » avancé par les autorités françaises est effectivement très discutable. Pour qu'il soit valable, il faudrait que ces gens, qui sont effectivement un danger pour les États et populations proche-orientaux, soient également un danger pour la France. Ceci n'est pas flagrant.

Quant aux conventions de Genève, là je ne partage pas du tout votre point de vue : des conventions s'appliquent à ceux qui les ont signées. Or ce prétendu « État islamique » n'a pas signé ces conventions qui ne s'appliquent donc pas à ses combattants. Rappelons pour mémoire que la dernière fois que l'armée française a combattu des gens qui pouvaient bénéficier des conventions de Genève, c'était avant l'armistice du 8 mai 1945.

Enfin il faut amener ces français devant les juges à leur retour, en espérant qu'ils se tiendront à carreau en France. Mais le chef d'accusation est nécessairement délicat parce qu'on ne sait pas précisément (et avec preuves) quels crimes ils ont commis et parce qu'ils ont commis ces crimes en territoire étranger, donc hors des juridictions françaises. Je ne suis pas assez calé dans le domaine judiciaire pour comprendre : je suppose (je ne sais pas) que l'accusation de ''terrorisme'' est la moins mauvaise.

En tout cas, vous avez raison : il faut être gonflé pour parler de ''cohérence de la position française''. L'on ferait mieux d'admettre honnêtement que face à une situation sans précédent, l'efficacité importe plus que la cohérence théorique.

3. Le mardi 20 octobre 2015, 16:40 par Francius

toujours aussi intéressant. Bravo pour la 100éme

4. Le mercredi 21 octobre 2015, 19:18 par Ph Davadie

Il faut continuer ces miscellanées, ce blog, même si depuis plusieurs mois les commentaires se font rares. Est-ce la crise qui pousse à se replier sur soi au point de ne plus commenter, ou la peur d'être pisté par la NSA ou la DGSE ?

Au fait, Campese, légende du rugby australien a sévèrement taclé Spedding après la déroute. Lequel a répondu en substance "j'ai grandi". Ambiance...

5. Le jeudi 22 octobre 2015, 22:55 par Ph Davadie

Le commentaire n° 2 de M. Cadiou me laisse un peu pantois.
La légitime défense ne tient que dans des conditions strictes qui ne sont pas du tout réunies dans le cas présent, que les personnes soient ou non dangereuses pour le pays.
Quant au fait de ne pas appliquer les conventions de Genève à ceux qui ne les ont pas signées, pourquoi pas, mais alors comment les traiter ? Comme Bush et Obama avec Guantanamo ? Donc comme des sous-hommes ? Peut-on alors lutter contre la barbarie en étant soi-même barbare ?
Les résultats des USA en la matière semblent prouver le contraire.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/2524

Fil des commentaires de ce billet