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Accord euro-turc. Ou plus exactement, accord germano-turc. L'Europe découvre le froid réalisme qui oublie les "principes" pour laisser la place aux seuls intérêts. Plus personne ne dit de mal de V. Orban qui suscitait, l'été dernier, des cris d'orfraie lorsqu'il construisait une barrière à sa frontière. Désormais, quasiment tous les pays ont fait de même. L'Allemagne ne s'en plaint pas, constatant le tarissement des arrivées de migrants sur son sol, grâce aux filtres mis en place par ses voisins méridionaux, grâce au cantonnement de la Grèce à une nouvelle zone "d'accueil". On va même plus loin, faisant semblant de négocier avec le grand Turc. Mais qui prend au sérieux les termes de cette négociation ? Les Européens ne l'ont admise que du bout des lèvres, pour laisser à A. Merkel le temps de franchir les élections régionales. Une fois celles-ci passées, les intérêts reviendront au grand jour et l'accord ne sera pas avalisé. Car ce n'est pas l'UE qui a négocié, mais seulement Merkel, qui n'a prévenu ni Tusk ni Hollande. Cet unilatéralisme sera sanctionné par des unilatéralismes en miroir, chacun poursuivant la préservation de son seul intérêt.

(source)

Pensées fugaces

Voici en effet une Europe où la Grande-Bretagne pense à autre chose (et d'abord à partir), où l'Europe centrale et orientale se défie d'une construction qu'elle juge inefficace (malgré les sommes déversées), où la France joue dans son coin et où l'Allemagne se retrouve seule. Elle avait voulu orchestrer les affaires depuis quinze ans : elle se retrouve sans troupes pour la suivre. Car aucun n'a plus confiance dans l'autre.

Ce froid retour aux réalités pourrait être une bonne chose s'il était preuve de réalisme. Il est pourtant à craindre qu'il soit trop tard. Certains expliquent que la crise de l'euro a paradoxalement abouti à un renforcement de l'euro et qu'il en sera de même avec Schengen. Je crains qu'il ne s'agisse de wishful thinking et qu'au contraire, Schengen ne soit décédé, entraînant la longue file des déconstructions européennes. Cela se fera dans le plus grand désordre. Tel est le sort des constructions trop alambiquées, nouées entre experts et politiques qui se défaussent. Voici venir le retour de la politique dans ce qu'elle a de plus essentiel : défendre les intérêts du groupe aux dépens des autres.

Attentat de Ben Guerdane, à la frontière entre la Tunisie et la Libye. On constate d’une part que les jihadistes ont attaqué l’armée (mais aussi qq assassinats ciblés, ce qui indique des complicités en ville), non un lieu symbolique ; d’autre part que le fameux « mur de sable » qui a été dressé il y a quelques semaines n’arrête pas grand-chose. Au fond, cette attaque dans le sud tunisien marque une évolution nette : alors que les attentats jihadistes dans le pays visaient jusqu’à présent des cibles symboliques (et touristiques), il s’agit dans ce cas d’une action proprement militaire, visant à installer un contrôle de territoire. Le combat a techniquement changé de nature. Ce n’est pas « simplement » du terrorisme, c’est du combat guerrier. Déclenchement à l’aube, attaques combinées, longue préparation (renseignement humain), on est monté dans l’échelle de l’affrontement.

En Europe centrale, les élections se suivent et se ressemblent (un peu). Autrement dit, les nouveaux dirigeants sont ceux qui 1/ se sont droitisés 2/ jouent sur l’identité nationale. Dernier exemple en date, après Orban et Kaczinski, Robert FIco, officiellement social-démocrate. Certes, il n’obtient pas la majorité absolue et voir arriver deux partis d’extrême droite au Parlement, dont un authentiquement fasciste. Mais derrière la renaissance du « groupe de Visegrad » qui s’était constitué au début des années 1990 (Pologne, Hongrie, Tchéquie et Slovaquie) afin de promouvoir l’adhésion à l’OTAN (et accessoirement à l’UE), on note un tropisme fort : celui de pays qui ont récemment acquis leur vraie indépendance et qui ne voient dans l’Europe qu’une machine à distribuer des fonds et des marchés. Certainement pas la grande utopie post-moderne rêvée par Habermas. Autrement dit, des nations qui se sentent encore fragiles et qui ne sont pas du tout rassurées par l’UE, surtout face aux troubles récents, qu’ils soient financiers ou migratoires. Du coup, on sent poindre une évolution insoupçonnée : celle d’une meilleure compréhension de l‘attitude russe, malgré l’Ukraine. La chose est encore subliminale mais notez qu’on entend beaucoup moins les récriminations des PECO contre les Russes ou pour l’Ukraine. Elles ne sont pas tues mais me semblent moins virulentes.

A propos d'élections, les trois élections régionales en Allemagne sont logiques : l'AfD perce (plus de 10% à chaque fois, plus de 20% en Saxe) tandis que les partis traditionnels (CDU et SPD) baissent fortement (moins 20 points). Merkel paye sa stratégie de dix ans, qui l'a conduite à toujours parier au centre (donc, à piquer les idées du SPD). Affaiblissant ce dernier, élargissant l'influence de la CDU, elle a oublié ses marges conservatrices : l'AfD s'y est engouffré. La crise migratoire a été le déclencheur de cette mécanique. Notons qu'en Saxe, les partis "anti" (AfD et die Linke) atteignent 40% des voix. Le slogan "wir schaffen das" (nous y arriverons) n'a visiblement pas convaincu.

Oserais-je dire que je ne suis pas vraiment choqué qu’on ait remis la légion d’honneur au prince héritier Saoudien ? Pour mémoire, c’est lui qui était aux affaires en 2003-2005 quand Al Qaida faisait rage, lui qui a tenu le royaume. Et puis oui, l’Arabie nous achète des armes, directement ou indirectement (Égypte). Il y a quand même quelques emplois à la clef, sans parler d’une industrie de souveraineté…

Sahara Occidental : Le SG de l’ONU, Ban Ki Moon, a jeté une grenade diplomatique lors de sa dernière tournée dans la région. Trouvant que les choses s’encalminaient au Sahara Occidental, il a mis les pieds dans le plat en appelant (depuis Alger) à organiser un référendum pour mettre un terme à « l’occupation » (je cite) marocaine. Bref, il a pris parti pour un camp ce qui a suscité l’émoi courroucé du Maroc. Pas sûr que ce soit la meilleure manière, pour un SG qui n’a jamais impressionné par son engagement ou la force de ses mots, de favoriser une solution, surtout à quelques mois de la fin de son mandat. Pas sûr non plus que cela reflète vraiment les vues e la « Communauté internationale ». D’un autre côté, force est de constater que le blocage est réel et qu’on ne voit pas d’issue négociée. Mais après tout, la dispute sur Chypre dure depuis 1974, celle sur le Cachemire depuis 1949 sans même parler de la première mission ONU au Moyen-Orient mise en place depuis 1948 pour surveiller une « trêve »

Au sujet de l'action américaine en Syrie, remarquable article de Michael Kofman dans War on the rocks : the russian quagmire in Syria and other Washington fairy tales. A cause de son propre enlisement, Washington a toujours cru que les Russes s’enliseraient en Syrie. Mais il y a eu de vrais succès militaires ruses, qui conduisent de facto à une répartition des tâches : à Moscou l'action dans l'ouest de la Syrie, à Washington l'action contre l'EI à l'est (ce qui explique pourquoi Moscou n'a pas intérêt à combattre, pour le moment, l'EI en Syrie). Cela valide au passage l’importance de l'arme aérienne, qui fonctionne si (et seulement si) il y a des troupes au sol. En fait, les Russes ont un plan, les Américains n'en ont pas : cela suscite un suivisme de Washington, trop content de montrer qu'elle fait quelque chose militairement (contre l'EI) et diplomatiquement (en s'associant aux initiatives russes). De plus, les États-Unis ont épuisé leur arsenal politico-économique contre la Russie à l'occasion de l'affaire d'Ukraine, sans grand résultat. Il reste que la Russie n'a pas forcément pour objectif de soutenir Assad. Son but est de continuer à diviser les rebelles (en ce sens, la trêve ou les négociations de Genève permettent d’appuyer cet objectif, tout en continuant des opérations ici ou là au sol) et de préparer un système où elle garde le contrôle politique de la Syrie future. Les négociations servent effectivement à organiser la victoire mais aussi à éviter une surextension (contrôler tout le pays) qui serait le début, pour le coup, d'un bourbier. Au fond, la Russie aime bien les conflits gelés : il est probable que ce soit son ambition en Syrie.

Articles, sites et liens

Culture

L’espoir a-t-il un avenir ? de Monique Atlan et Roger-Pol Droit : plus d’espoir politique, donc espoir religieux ?

Par ailleurs, les médias s’extasient dans un bel ensemble : une machine a battu un champion de jeu de go. Et de s’époumoner sur l’intelligence artificielle, etc. Je voudrais juste faire remarquer que le jeu de go s’inscrit dans un carré de 81 cases de côté, avec des règles très simples, où le hasard n’existe pas. C’est incontestablement compliqué mais ce n’est pas complexe comme la vie et ses aléas et incertitudes. Je serais très impressionné le jour où la machine sera meilleure que l’homme sur l’incertitude. Mais vous me direz que l’homme n’est pas forcément bon : justement, cette médiocrité renforce l’incertitude et l’aléatoire. Bref, pas forcément matière à s’emballer, même si cette victoire au go est une avancée. Un petit pas pour la machine, un petit pas pour l’humanité.

Sinon, voici une excellente nouvelle : les PUF reviennent au quartier latin (voir ici). Une librairie sans fonds : car le livre que vous achetez est imprimé sur place ! Voici le vrai avenir du livre, liant cyber et impression papier. Je maintiens depuis longtemps que le livre papier n’est pas mort : en voici le signe le plus notable.

Événements

14 mars Le renseignement : planification, stratégie et prospective - Séminaire METIS - saison 17, séance 2. La contre-subversion aux Etats-Unis au XXe siècle. Intervenant : Dr Alexandre RIOS-BORDES. Informations pratiques : Toutes les séances ont lieu de 18h à 19h30 au Centre d'histoire de Sciences Po, Salle du Traité (56 rue Jacob, 75006 Paris). Pour les séminaires accueillant des personnes de Sciences po (doctorants, enseignants, chercheurs) ainsi que pour quelques externes (pas plus de 20 personnes) : inscription obligatoire : groupemetis@gmail.com

24 mars ANAJ IHEDN Qui sont ces Femmes de l’Intérieur au service de notre sécurité ? Marie-France MONEGER-GUYOMARC’H Inspectrice générale de la police nationale - Directrice de l'IGPN Présidente de l’association Femmes de l’Intérieur Emma ARDOUIN Capitaine de gendarmerie Cheffe de service à la Présidence de la République Jeudi 24 mars 2016 19h30 à 21h00 École militaire Amphithéâtre Des Vallières. Inscriptions

25 mars Colloque "Données et Sécurité" (détails ici) Vendredi 25 mars 2016 Lieu : Télécom ParisTech. Amphithéâtre Emeraude. 46 rue Barrault - 75634 Paris cedex 13Horaires : 9h00 – 17h30 Accueil à partir de 8h30 Entrée libre mais inscription préalable obligatoire auprès de Daniel Ventre : daniel.ventreatcesdip.fr (indiquer vos nom, prénom, appartenance, fonction, email). Deadline pour inscriptions: 20 mars 2016

2 avril Rencontres de l'IHEDN - Saison 2 La défense comme vous ne l'avez jamais abordée. Penser la défense, c’est l’objet de ces « Rencontres IHEDN » organisées par l’Institut des hautes études de défense nationale, le samedi 2 avril 2016, sur le site de l’École militaire. De nombreuses tables-rondes permettront, ainsi de faire dialoguer penseurs, praticiens et représentants de la société civile autour de thématiques « citoyennes » destinées à poser sur la place publique une réflexion qui engage notre avenir. Quelques exemples : - Ironman: le soldat en kit aura-t-il encore une âme? - Frères de sang: la guerre en séries - Invictus: le sport, c'est la guerre, - Onu, ô désespoir: qui a peur des Casques bleus? - Mistral gagnant: est-il moral de vendre des armes? - De Jeanne d'Arc à Lara Croft: les femmes dans la Défense - La Cop est pleine: climat de guerre ou guerre du climat?. Conditions d'accès : • Pièce d'identité obligatoire • Accès par le 5 place joffre

13 avril Diploweb.com et GEM, vous invitent à la conférence du Recteur G-F Dumont: Migrations et géopolitique: quelles relations ? Depuis l'été 2015, personne ne peut nier l'importance des phénomènes migratoires pour l'Europe, mais il en va ainsi pour le monde entier. Les migrations ont toujours été et sont un paramètre essentiel des réalités et évolutions géopolitiques. La compréhension des interrelations entre migration et géopolitique suppose d'abord de plonger dans l'histoire : la migration est-elle nécessairement cause ou conséquence de conflits géopolitiques ou, au contraire, une alliée de la paix ? La conférence aura lieu le Mercredi 13 avril 2016 à 18h précise (sur le campus parisien de GEM, 70 rue de Ranelagh - Paris, 75016 Métro Ranelagh, RER Boulainvilliers) et sera suivie d'un verre de l'amitié. Inscription

A. Le Chardon

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