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26/16 Brexit et autres faits....

Le Brexit est à l’évidence un choc historique, probablement aussi important que la chute du mur de Berlin. Peut-on parler de chute du mur de Bruxelles ? Rappelons que l’histoire n’entraîne pas forcément le tragique et que l’incertitude absolue qui règne désormais ne conduira pas forcément à la violence, même si ce n’est pas une opportunité à écarter d’emblée. Il reste qu’au-delà des injures proférées par BHL dans Le Monde à l’attention des votants, qui témoigne de son manque de respect pour la démocratie en général et le peuple en particulier, le Brexit met à jour de nouvelles réalités politiques qu’on ne saurait évacuer avec les recettes habituelles. Car au fond, c’est de cela dont il s’agit : du retour de la politique qui avait été si soigneusement mise sous le boisseau par la « construction européenne ».

Pensées fugaces

Au fond, l’Europe ne faisait plus rêver. Se présentant comme inéluctable, se croyant au-delà de l’histoire, méprisant les alternatives comme autant de passéismes, forcément « rances » et « moisis », elle n’a pas vu la transformation qui s’opérait : désormais, elle était le père fouettard cumulant une exceptionnelle dureté quand il s’agissait d’imposer l’austérité ou des normes toujours plus nombreuses, et une insondable faiblesse dès qu’il s’agissait des crises du moment, la fameuse polycrise dont parlait Juncker : crise financière, crise économique, crise grecque, crise ukrainienne, crise des migrants.

Elle était le seul système possible et se pensait comme telle : il n’y a pas d’alternative, disait-elle. Du moins dans le cadre du système. A force de bannir le politique en son sein, elle a donc conduit le politique dans une alternative simple : elle ou son rejet. Au lieu de faire de la politique, elle est devenue l’enjeu de la politique. De sujet elle est devenue objet.

Car le rejet de l’Europe est d’abord le rejet de la connivence technocratique (ou élitiste, c’est selon) de ceux qui en font partie, avec de multiples « institutions » aux très faibles légitimités démocratiques. Voir Juncker désigné par consensus ou la présidence du Parlement européen être jouée par accord entre les deux grands « partis » en furent les signes les plus évidents. Voici au fond le rejet de la méthode de Jean Monnet, celle qui rejette la politique comme fauteuse de troubles, croyant qu’en bannissant l’expression des conflits on met un terme à ceux-ci. Or, qu’on le veuille ou non, les sociétés humaines sont faites de conflits. Leur expression passe par plusieurs formes, guerre ou lutte politique, mais ils doivent s’exprimer. En refusant l’expression de ces conflits, l’UE a longtemps mis un boisseau. Mais tout comme le couvercle saute quand la vapeur devient trop importante à l’intérieur de la casserole, le couvercle a cédé.

Il est alors trop simple de condamner le « populisme », autre façon de désigner tous ceux qui ne sont pas d’accord avec vous. C’est simplement le peuple qui s’exprime, celui à la source de toute démocratie. L’Europe était a-démocratique, conçue délibérément selon ce principe. Voici qu’elle était devenue anti-démocratique. Disons tout de suite que nous ne sommes pas très rassurés des premières réactions des tenants du système actuel, qui ont la tentation, comme toujours, de rejeter le résultat du vote, comme ce fut le cas à de multiples reprises en Irlande, au Danemark ou à la suite des référendums français et hollandais de 2005. Ainsi voit-on l’élite britannique hésiter à mettre en œuvre la demande d’article 50 (celui qui prévoit la sortie de l’UE), ainsi voit-on une pétition « massive » des déçus du vote demander un deuxième référendum, ainsi voit-on quelques responsables politiques proposer, déjà, les mêmes recettes : plus de chantiers en commun, plus de défense européenne, plus de garde-côtes communs, plus de… alors que l’on demande plutôt du moins, et du mieux.

Bien malin qui prévoit la succession des événements. Gageons simplement que l’histoire est présente et que les actuels leaders ne semblent pas à la hauteur. Que comme souvent avec l’histoire, elle suscite des hommes d’exception qui savent se saisir des circonstances pour s’élever à la hauteur du sublime (en 1789, Napoléon était un petit lieutenant d’artillerie qui passa les cinq premières années de la Révolution a tenter d’organiser l’indépendance de la Corse…. !). Ce n’est faire injure à personne que le personnel politique que nous voyons (Cameron, Hollande, Juncker, Merkel, Renzi, Schultz – par ordre alphabétique) ne nous semble pas de la trempe nécessaire. Que cela suscite un certain pessimisme car on peut attendre le même mélange de combinaisons politiciennes qui aggraveront le problème, de façon à rendre nécessaire la venue d’un personnel politique nouveau.

Au fond, l’UE pâtit de la fin de l‘histoire, de la fin des idéologies. Il faut maintenant revenir à des idées politiques qui répondent à cette question essentielle : pas tellement celle de la forme de l‘Europe, qui n’est qu’accessoire, mais celle de l’articulation entre le territoire (donc la souveraineté, donc la démocratie) et la mondialisation qui est là. Or, cette dialectique nouvelle et terriblement actuelle ne se pose pas qu’en Europe : elle atteint de multiples régions du monde et tout d’abord, le grand gagnant de la mondialisation que sont les États-Unis ; mais aussi, toutes choses égales par ailleurs, Chine et Russie, Inde et Afrique, Moyen-Orient et Méditerranée.

Encore une fois, nous ne voyons le Brexit qu’à l’aune d’un petit problème, celui de l‘UE, plus petit que l’Europe (car l’UE n’est pas l’Europe), plus petit surtout que le monde. Toute pensée politique doit désormais s’élever à la dimension de l’universel, car là gît l’essentiel.

Pour conclure sur cette partie, on lira avec intérêt Le Brexit, une défaite de l’UE, excellent papier de Romaric Godin.

Les déclarations de M. Steinmeier, ministre allemand des affaires étrangères, dénonçant les bruits de botte de l’OTAN à l’est, ont suscité, comme attendu, de vives réactions en Allemagne et dans la communauté atlantique. Là n’est peut-être pas le plus important car cela vient en appui d’une déclaration précédente du vice chancelier allemand, Sigmar Gabriel qui appelait à la fin des sanctions contre Moscou. Il avait été vite recadré par Angela Merkel. Notons surtout que cela fait deux responsables de premier plan du SPD qui s’expriment en faveur d’une reprise du dialogue avec Moscou. C’est le signe de deux choses : d’une part, un clivage politique interne allemand sur la politique étrangère ; d’autre part, un débat tout court à l’intérieur d’une Allemagne bien moins monolithique qu’on la perçoit à Paris.

La même semaine, le pouvoir français s’intéresse à « la belle alliance », interdit les manifestations et réfléchit à une garde nationale. Un esprit taquin penserait aux heures les plus sombres de notre histoire…

Le mémo du département d’État où 51 diplomates appellent à frapper Assad (alors que les Russes sont là, ce qui n'était pas le cas en 2013) prouve un aveuglement stratégique qui fait peur : tous des Clintoniens ? Quant aux actions russes contre des alliés américains en Syrie, il s'agit clairement de signifier aux Américains que leurs calculs ont assez duré, et qu'ils ne sauraient couper l’axe Damas/Bagdad. On lira notamment ce post de Philippe Grasset.

Erdogan évolue peu à peu, en discrétion. Ainsi, il se rapproche d’Israël (qui paiera 20 M$ d’indemnisation aux victimes de l’affaire de 2010) et a même présenté ses excuses à la Russie pour avoir abattu un avion russe l’autre mois. Comme si une évolution de la politique moyen-orientale d’Ankara avait été décidée, maintenant qu’il a toutes les cartes en main pour son présidentialisme. Reste à savoir si le rapprochement israélien a provoqué cette baisse de ton avec la Russie (autrement dit, Tel Aviv a-t-il insisté auprès d’Ankara pour que ce soit le cas ?). Allons encore plus loin : y a-t-il constitution d’un axe Tel Aviv – Ankara – Moscou (soutenu en sous-main par Riyad) ? L’avenir nous le dira mais on sent que l’agrément américano russe sur la Syrie touche à sa fin et que chacun tire les conclusions du désengagement de Washington dans la région.

Articles, sites et liens

Mot bobo

Rance et moisi (picoré dans l'édito injurieux de BHL dans le Monde de vendredi)

Mot gourmand

Stipendié (pas lu dans l'édito injurieux de BHL de vendredi)

Culture

Visite de Bruges, l’autre jour, une nouvelle fois. Au musée Groningue, je m’attendais à voir plein de Memling et autres primitifs. Encore un fois, je tombe en arrêt devant Roger van der Weyden (Roger de la Pâture) et son éblouissant « Saint Luc dessinant la Vierge ». Scotché, comme j’ai pu l’être devant certains Vermeer ou certains de Staël. Van der Weyden est un des très très grands, remarquable bien sûr par son réalisme (c’est un primitif flamand) mais surtout par sa science de la composition et sa modernité. Je ne comprends pas qu’il soit considéré comme mineur ou de second rang.

Événements

Festival de Géopolitique organisé par Grenoble Ecole de Management. Nous préparons actuellement sa 9ème édition, qui aura lieu du 8 au 11 mars 2017, et abordera le thème "le Pouvoir des Villes". En fichier attaché, vous trouverez l’appel à communication précisant ce thème et les conditions d’intervention. Pour faire une proposition, suivez ce lien pour accéder au formulaire de candidature, validez-le une fois complété avant le 4 septembre 2016.

A. Le Chardon

Commentaires

1. Le mercredi 29 juin 2016, 11:10 par Yves Cadiou

La sortie britannique n'est pas encore acquise. Au-delà des insultes de BHL, il y a le mépris de la classe politique pour le Peuple lorsqu'il vote mal. Notre NON au référendum de 2005 n'a rien changé. Cette fois, le mainstream commence à laisser entendre que le gouvernement britannique pourrait très bien ne pas se conformer au résultat du référendum http://www.msn.com/fr-fr/actualite/...
Pour moi, c'est l'aspect le plus important de cette consultation : ceux que vous appelez « l'élite » considèrent-ils comme normal de ne pas respecter l'expression populaire ? La suite promet d'être révélatrice.

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